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ÉNERGIE

Plan Hercule : devant l’Assemblée nationale, les syndicats haussent le ton

11 février 2021 | Mise à jour le 15 février 2021
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Plan Hercule : devant l’Assemblée nationale, les syndicats haussent le ton

Manifestation de la FNME CGT contre projet Hercule devant le siège d'EDF, à Paris, le 10 février 2021.

Alors que le PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy, était auditionné par le Sénat et par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur sa réforme d'EDF, les agents et leurs syndicats ont multiplié les actions à Paris. Après avoir manifesté devant les sièges d'EDF à Wagram et de GRDF à Condorcet, ils se sont rassemblés devant le Palais Bourbon, pour réaffirmer haut et fort leur opposition au plan Hercule.

Malgré une météo glaciale et un macadam givré, les agents d'EDF et de GRDF étaient en surchauffe ce mercredi 10 février. Emmenée par la CGT Energie-Paris, une délégation de quelque 200 agents s'est rendue devant les sièges d'EDF à Wagram et de GRDF à Condorcet pour manifester son opposition totale aux réformes Hercule — qui vise le démantèlement et la privatisation partielle d'EDF — et Clamadieu — qui, elle, vise la privatisation du dernier reste de service public de feu GDF, devenu Engie.

Armés d'une banderole « Hercule – Clamadieu, Stop à l'enfumage », sous-titrée de ce message « Nous travaillons, nous produisons, nous décidons », les manifestants ont dégainé les mégaphones, les pétards et les fumigènes. Devant les portes de deux établissements, l'atmosphère s'est teintée de rose fluo, tandis que retentissaient les slogans « L'électricité, c'est pas pour le privé, c'est un bien public essentiel aux usagers ».

Après ce premier tour de chauffe, la délégation CGT Énergie Paris a rejoint l'intersyndicale CGT-CFECGC-FO-CFDT rassemblée place Édouard Herriot où trônait un barnum bleu, le bleu EDF, tout un symbole de l'attachement des agents au service public historique de l'énergie que le plan Hercule menace de démanteler.

Nouveau temps fort de mobilisation dans les industries électriques et gazières

Les syndicats maintiennent la pression

En route vers le Palais Bourbon pour participer à l'audition de Jean-Bernard Levy, le PDG d'EDF, plusieurs élus ont marqué une pause avec les militants pour les assurer de leur soutien, les féliciter de leur lutte et les encourager à maintenir la pression. Une pression dont le gouvernement et le n° 1 d'EDF semblent commencer à prendre la mesure. En témoignent les débats parlementaires du 13 janvier au Sénat, l'audition de la ministre de la Transition écologique du 4 février et celle du PDG d'EDF ce 10 février par la commission des affaires économiques. Tous ont été arrachés par les mobilisations de l'intersyndicale, dont les revendications d'information et de transparence sur le projet Hercule ont été soutenues et relayées par de nombreux élus politiques de tous bords.

Ne plus nommer Hercule, pour mieux le défendre

Comme il fallait s'y attendre, Jean-Bernard Levy n'a pas renié le plan Hercule. En revanche, il ne l'a pas nommé une seule fois lors de cette audition, lui préférant désormais le terme générique de « réforme ». Qu'à cela ne tienne pour les députés qui, eux, ne se sont pas privés d'interpeler le n° 1 d'EDF sur le calendrier de cette « réforme », l'état des négociations en cours entre Paris et Bruxelles, ses points de blocage, les conséquences et impacts d'Hercule, le nécessaire dialogue social avec les syndicats…

Dans son prologue explicitant le sens de la réforme et les objectifs qui la sous-tendent, le PDG s'est voulu rassurant. Ayant pris en compte et anticipé les principales inquiétudes qui s'étaient déjà exprimées lors de la séquence du 4 février face à la ministre Barbara Pompili, il a à son tour, « promis-juré » qu'il n'y aurait aucune privatisation, aucune perte de souveraineté énergétique, que la réorganisation du groupe EDF n'avait pas pour objectif de dépecer l'opérateur historique, mais au contraire, de lui donner les moyens financiers de son développement, notamment dans les énergies renouvelables afin d'atteindre l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon 2030.

L'alibi de la renégociation de l'ARENH

Argument clé de ce grand oral, le « poison » de l'Arenh (accès régulé à l'énergie nucléaire historique) qui oblige EDF à subventionner à perte ses concurrents et qui, en 10 ans, l'a contrainte de céder 10 milliards d'euros d'actifs (dont 4 souscrits par l'État) afin de maintenir ses investissements.

Sur ce point précis, dont la « réforme » fournirait l'opportunité d'une renégociation avec Bruxelles, le président d'EDF semblait avoir gagné le consensus avec les détracteurs d'Hercule. Partant de quoi, le président a donné quitus à l'essentiel des préoccupations et réticences exprimées par les députés : sur le maintien de l'hydraulique dans le giron public moyennant le passage à un modèle de quasi-régie ; sur le financement de la rénovation du parc nucléaire et celui du démantèlement de ses 14 centrales en fin de vie ; sur l'ambition du gouvernement, qui est aussi la sienne, de préserver les missions de service public de l'ensemble des activités d'EDF, y compris celles d'EDF Vert dont le capital sera partiellement ouvert (30 %) aux investisseurs privés afin qu'ils contribuent au développement d'EDF dans le renouvelable et qu'il rattrape son retard vis-à-vis de ses homologues européens ; sur le maintien du statut des agents et de leurs emplois et leur possibilité d'évoluer entre toutes les entités du groupe ; sur la pérennité de la péréquation tarifaire, gros sujet d'inquiétude des élus en territoire du fait du rattachement d'Enedis (réseau de distribution) à EDF Vert, etc.

Contre le plan Hercule, la mobilisation s'élargit aux usagers

Hercule ou Hector, il doit y avoir réforme

En conclusion de ce laïus lénifiant, et face aux nombreuses réticences qui persistaient à s'exprimer, le PDG a insisté sur la nécessité d'une réorganisation d'EDF. Qu'elle se nome Hercule ou qu'on la rebaptise Hector en guise de plan B, la réforme devra passer. Cela, au motif que le statuquo ne serait plus tenable. En tous les cas, pas du point de vue de la Commission européenne dont Jean-Bernard Levy a révélé à son auditoire « Qu'elle n'avait jamais aimé EDF ». De là à laisser entendre que ce désamour envers l'opérateur historique français serait la source de tous ses maux…

Face aux craintes liées à l'ouverture du capital d'Enedis (distribution) à des investisseurs privés, qui pourraient peser sur son autonomie financière et par ricochet, sur la qualité des services et sur les tarifs aux usagers, Jean-Bernard Levy a réitéré ses éléments de langages, mais sans entrer dans les détails. Quant aux demandes répétées par divers députés d'associer enfin les syndicats à cette réforme, le PDG a d'abord affirmé son attachement à « l'indispensable dialogue social », avant de donner cette contrepreuve : « Les syndicats tiennent souvent des discours simplistes ». À bons entendeurs.