19 août 2020 | Mise à jour le 22 mars 2021
Après une consultation expresse des syndicats et du patronat le 18 août 2020, la ministre du Travail a annoncé la systématisation du port du masque à l'entreprise. Fabrice Angéï, secrétaire de la CGT, dénonce une action gouvernementale minimaliste et réclame des négociations de fond. Interview
Le gouvernement a décidé que le port du masque sera obligatoire en entreprise au 1er septembre. Qu'en pensez-vous et quelles revendications avez-vous amenées lors de la consultation qui a précédé cette annonce ?
La CGT a toujours priorisé la sécurité des salariés. Nous ne sommes donc pas opposés à cette mesure, mais elle ne doit pas être la seule. En effet, le port du masque pose plusieurs questions. D'abord qui paye ? Sur ce point, nous avons fait confirmer que c'est bien à l'employeur de gérer le port du masque et d'en assurer le coût financier puisque c'est un équipement individuel de protection. Mais nous avons aussi rappelé que la gratuité du masque est une nécessité pour l'ensemble de la population. Nous avons aussi soulevé le problème de la fabrication et de la provenance de ces masques. Nous posons ici la question d'une filière de production de masques qui puisse assurer notre indépendance et garantir leur qualité face à des crises sanitaires qui risquent de se répéter à l'avenir. Nous sommes aussi intervenus sur le télétravail, parce que le gouvernement botte en touche sur le sujet. Même s'il concède que c'est effectivement un élément de protection, ce n'est pas sa priorité, qui est d'abord le retour à l'entreprise. Pourtant, on sait très bien que le télétravail sera de nouveau mis en œuvre à la rentrée, et ce alors que le patronat ne veut pas de cadre national.
Nous avons aussi rappelé que la gratuité du masque est une nécessité pour l'ensemble de la population. Fabrice Angéï
Télétravail, organisation du travail, vous demandez donc à négocier sur plusieurs dossiers…
Oui, on ne peut pas se contenter de traiter la pandémie par le seul prisme de mesures d'hygiène. Le gouvernement s'en tient au protocole sanitaire. Il dit vouloir assurer la protection des salariés, mais ne veut surtout pas imposer trop de contraintes aux employeurs, et ce afin que l'activité économique tourne à plein régime. Pour traiter le fond, il faut des négociations sur les questions d'organisation du travail, des conditions de travail, mais aussi de temps de travail. C'est ce qui se fait par exemple en Allemagne, où le syndicat IG Metall réclame la semaine de quatre jours dans le cadre de l'épidémie du Covid-19. Et puis comment faire pour supporter le port du masque pendant huit heures ? L'une des solutions est de limiter le temps d'exposition. Tout ceci, ce sont des sujets globaux qui doivent donner lieu à de négociations interprofessionnelles, dans les branches et entreprises. Et tandis que le patronat veut tout ramener au niveau de l'entreprise, on n'a pas un gouvernement qui pousse à la négociation. Nous n'avons donc aucune avancée sur ce terrain.
Pour vous, l'annonce gouvernementale n'est pas à la hauteur. Quelles mesures seraient alors nécessaires pour la protection des salariés à l'entreprise ?
Effectivement, ils ne remettent pas en cause la réduction des moyens des institutions représentatives du personnel qui ont été affaiblies par les ordonnances Travail. Nous sommes donc notamment intervenus pour exiger la remise en place de véritables CHSCT qui sont un élément indispensable pour veiller à la protection des salariés sur le terrain. Plus globalement, on constate une absence de modification des politiques publiques en termes de moyens en matière d'inspection et de contrôle. Le nombre d'inspecteurs de la CARSAT est insuffisant. Et il en va de même pour les inspecteurs du travail soumis à la fois aux réductions budgétaires, mais aussi à la diminution de leurs prérogatives. Cela a été l'occasion pour nous d'interpeller la ministre sur une situation concrète. L'inspecteur du travail Anthony Smith a été muté et sa sanction découle du fait qu'il a demandé d'appliquer des mesures de protection en fournissant des masques aux salariés du bassin rémois. Or cette sanction est prononcée sous l'autorité d'Elisabeth Borne… Ici, nous sommes donc bien sur des actes qui contredisent l'affichage sur la nécessité d'assurer la protection des salariés dans les entreprises.
L'inspecteur du travail Anthony Smith sanctionné par le ministère