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Économie

Pourquoi la rentrée serait-elle difficile ?

4 août 2014 | Mise à jour le 24 avril 2017
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Pourquoi la rentrée serait-elle difficile ?

 

 

Que vous rentriez de vacances ou que vous vous apprêtiez à partir, vous êtes désormais prévenus : la rentrée sera difficile. C'est le message qu'a tenu à délivrer le gouvernement au sortir d'un séminaire réuni à la veille des congés. Pour répondre à ce choc que ne laissaient nullement présager les propos lénifiants du président le 14 Juillet – « la croissance est là » –, le Premier ministre a affiché son volontarisme : « Notre politique ce sera le pacte, tout le pacte et encore plus loin que le pacte. »

 

UNE « PACTOPHILIE » GALOPANTE

Le propos n'est pas pour rassurer. Porté à la présidence pour amender le pacte budgétaire européen – avec le succès que l'on sait –, François Hollande a, depuis, multiplié le recours aux pactes comme autant de grands rendez-vous avec la Nation. Une « pactophilie » galopante qui, loin d'apaiser les Français en leur donnant quelques perspectives, a au contraire largement contribué à discréditer la parole présidentielle quand ce n'est la parole politique tout court. Comment en effet enchaîner les pactes sans mettre en cause le bien-fondé du précédent ? Comment préserver un « effet pacte » quand les résultats se font à ce point attendre ? On comprend donc aisément que le président ait pris soin, face au choc que constitue un accident d'avion, d'entretenir un lien avec le pays que l'incohérence et l'impuissance de la politique suivie mettent sérieusement à mal.

Un exercice semé d'embûches. Par-delà la compassion sincère et l'expression de la solidarité aux familles des victimes, tenter de recoller les morceaux d'un pays morcelé par la crise en érigeant les victimes et leur souffrance en nouveaux thèmes d'une unité nationale qui fait défaut, présentait en effet bien des risques. Celui d'abord de la confusion des fonctions et des genres.

LE « PACTE COMPASSIONNEL » DU CHEF DE L’ETAT

Que l'expression du « partage du chagrin » incombe à la figure du chef de l'État, sans doute. Mais que celui-ci prenne en charge la sécurisation du lieu de l'accident, l'identification des corps, l'enquête et le soutien psychologique des familles témoigne, nous semble-t-il, d'une valorisation politique de l'émotion que nous pensions passée de mode.

Cette sorte de « pacte compassionnel », dicté par le choc et décidé par le chef de l'État à grand renfort de décisions personnelles, risque donc fort d'avoir les mêmes effets que les pactes décidés par le même et destinés à produire des chocs – sur la confiance, la croissance, l'emploi – qu'on attend toujours. Bref, il n'aura en rien restauré l'image présidentielle et pourrait bien, en revanche, pousser un peu plus loin encore le délitement du politique qu'il prétendait pourtant soigner.

LE CHOC QU'ON PROMET AUX FRANÇAIS POUR 
LA RENTRÉE
N'A RIEN D'UN ACCIDENT

De pacte en choc, c'est ainsi la fonction même du politique qui est interrogée. Si la multiplication des premiers témoigne de l'incapacité des gouvernants à dessiner un avenir discernable et souhaitable, les seconds laissent les Français désarmés face à ce qui leur arrive. Le choc qu'on leur promet pour la rentrée sous la forme d'un nouveau ralentissement de la croissance et d'une nouvelle poussée du chômage n'a pourtant rien d'un « accident ». Il en est même l'exact opposé : la conséquence prévisible des politiques suivies.

Ce qui n'empêche pas le gouvernement de vouloir persévérer… ce qui nous promet de nouveaux chocs. Il tend ainsi à transformer la vie politique en ce que Theodor Adorno appelait, dans un texte intitulé « Hors de portée », « une suite intemporelle de chocs ». Laquelle, affirmait le philosophe allemand, prive les individus d'expérience et les empêche donc de penser. Et qui, accessoirement, ébranle les soubassements mêmes de nos démocraties.