Le fascisme ne passera pas ?
Romancier et réalisateur militant, Gérard Mordillat s’engage cette fois-ci dans une bande dessinée dans laquelle, en compagnie de Sébastien Gnaedig, il suit l’ascension,... Lire la suite
Si c'est un homme et La trêve de Primo Levi, font partie des ouvrages essentiels sur la Shoah. Né en 1919 à Turin, mort en 1987 dans cette même ville — accident ou suicide, les avis divergent ? — Primo Levi fut avant tout, et toujours, un pacifiste.
Mais être un très brillant étudiant en chimie et juif était incompatible pour l'Italie fasciste. En 1943, après la chute de Mussolini, le jeune chimiste adhère à un groupe de partisans et au Partito d'Azione. Suite à une dénonciation, le groupe est raflé en décembre par la Milice fasciste. Après un transit par le camp de Fossoli, non loin de Modène, Primo et deux amies, dont Vanda qui lui était proche, sont déportés à Auschwitz.
C'est la survie dans ce camp de concentration que racontera dès 1946 Si c'est un homme, ouvrage-clef qui ne connut alors qu'une diffusion de 2 500 exemplaires, alors que La trêve, est le récit de l'errance entre la libération d'Auschwitz par les Soviétiques en janvier 1945 et le retour en Italie en octobre. Dans les deux ouvrages, l'auteur s'interroge, comme Hannah Arendt, sur « la banalité du mal ».
Dans cette bande dessinée, hommage très personnel du scénariste (également journaliste et écrivain) Matteo Mastragostino, celui-ci raconte « son » Primo Levi. Celui dont il avait appris la mort au journal télévisé alors qu'il avait dix ans et sur lequel il s'interroge : « Qu'aurait-il dit à l'enfant que j'étais il y a trente ans ? ». Pour répondre à cette interrogation intime, il imagine Primo Levi invité par une institutrice dans une classe d'école primaire pour témoigner de la déportation. Une tâche à la fois essentielle et déchirante.
Le texte est juste, s'inspire partiellement des écrits, des interviews de Primo Levi ainsi que d'ouvrages biographiques, sans laisser aucune part d'ombre, notamment sur la culpabilité éprouvée lorsque son amie Vanda lui reprochait d'hésiter à s'engager dans la Résistance. Une culpabilité à laquelle fera écho, sans doute, celle d'un survivant de l'indicible, notamment dans un pays qui s'était allié à l'Allemagne nazie…
En un noir et blanc évident pour évoquer les camps, le dessin d'Alessandro Ranghiasci, fin, expressif et précis, touche juste. Cette nouvelle parution des éditions Steinkis vient étoffer leur passionnant catalogue d'ouvrages — notamment romans graphiques et biographies dessinées — tournés vers l'Autre et qui entend jeter des ponts plutôt que dresser des murs.
Olivier Barrot présente le livre de Ferdinando Camon, Conversations avec Primo Levi et en lit un passage.
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