À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Économie

Qui pénalise les entreprises ?

1 septembre 2014 | Mise à jour le 27 avril 2017
Par
Qui pénalise les entreprises ?

Malgré les injonctions et les incitations à financer l'économie réelle, les banques continuent de rechigner à prêter aux PME et préfèrent miser sur la logique financière pour leur propre compte. Aimer les entreprises » c’est s’attaquer à ce système, Monsieur Valls.

Elles se dédouanent. Elles martèlent que ce n'est pas un manque de motivation de leur part, mais plutôt le manque d'emprunteurs « motivés » et « qualifiés ». Pourtant, depuis la crise financière de 2008 et la crise économique qui en découle, plusieurs indicateurs montrent que les banques renâclent à prendre le risque de financer l'économie réelle.

Bien sûr, la majorité des ménages hésite à s'endetter dans cette conjoncture morose, alors que le chômage sévit, que les services publics reculent. Bien sûr, nombre d'entrepreneurs, parmi les PME, évitent de s'endetter dans un contexte incertain. Mais les difficultés des entreprises à trouver des financements ont également ponctué l'actualité économique de façon récurrente.

On se souvient de cas emblématiques des Atelières (ex-ouvrières de Lejaby), à Villeurbanne, ou des Jeannettes, à Caen, en mal de crédits pour continuer à produire culottes et madeleines, en mars dernier. Et que dire du rapport remis, fin juin, au ministre de l'Économie, sur le financement des très petites entreprises (TPE) en France, qui pointait les difficultés de trésorerie et d'accès au crédit de ces petites structures ?

L'étude de l'Observatoire du financement des entreprises mettait en évidence l'hétérogénéité et la fragilité des TPE, dont une bonne part ont des problèmes financiers. Or, les 2,7 millions de TPE représentent 95 % des entreprises françaises et leur taux d'obtention – en totalité ou en grande partie – des crédits demandés n'est que de 61 %. Pis, il apparaît que les TPE financent largement leurs besoins de trésorerie par des découverts, une solution flexible mais trois fois plus onéreuse qu'un crédit à échéance. Parmi les préconisations formulées : agir vite dans la gestion de ces demandes et leur proposer des crédits adaptés.

DES LIQUIDITÉS EN MASSE

Ce manque de volonté des banques de s'engager dans le financement de l'économie réelle apparaît d'autant plus inadmissible que, selon les résultats de l'étude HGI publiés en août, « sur un total de 91,7 milliards de dollars distribués par les établissements financiers à leurs actionnaires, près de la moitié émane des banques ». Bref, les banques se portent bien et leurs mangeoires sont plutôt bien fournies puisqu'on ne compte plus le nombre de plans de sauvetage de la BCE (Banque centrale européenne) visant à injecter des liquidités dans le système bancaire européen depuis 2008. Dernière preuve, en juin dernier, avec la publication d'une étude du cabinet Quilvest Gestion, qui évaluait leurs liquidités à 120 milliards d'euros (somme de leurs facilités de dépôt et de leurs réserves excédentaires).

LES MESURES DE LA BCE

Face à cette situation, la BCE – dont la première mission est de maintenir la stabilité des prix, or, nous sommes en déflation, les prix baissent – a mis en place des mesures de politique monétaire contraignantes en pratiquant, depuis le mois de juin, des taux de rémunération des dépôts négatifs à – 0,10 %. En clair, pour dissuader les banques de placer leurs liquidités au sein de la banque centrale, elle les fait payer au lieu de les rémunérer. Et les incite à se prêter entre elles ou à prêter à leur clientèle en les confrontant au dilemme de gagner peu en prêtant à ses clients ou de perdre… Autre mesure : le principal taux d'intérêt a été, lui, ramené de 0,25 à 0,15 % pour faciliter la circulation de capitaux. C'est-à-dire que les banques empruntent à un taux encore plus intéressant.

COMMENT SUSCITER LES CRÉDITS À L’INVESTISSEMENT ?

« On peut envisager un système de crédit où les conditions de refinancement auprès de la BCE sont facilitées pour les cas où les banques accordent des crédits pour l'investissement et, au contraire, à des taux d'intérêts plus importants quand ils servent à autre chose, explique Nasser Mansouri-Guilani, économiste à la CGT. Or, jusqu'ici, les conditions de refinancement auprès de la BCE ne tenaient pas compte de l'usage des crédits. Du coup, les banques empruntent de l'argent à très bon marché auprès de la BCE et, au lieu d'utiliser cet argent pour l'investissement, l'emploi, la recherche, etc., elles le placent sur les marchés financiers et spéculent, par exemple, sur les dettes d'État, comme ce fut le cas pour la Grèce. »

C'est peu ou prou l'analyse de la situation du président de la BCE, Mario Draghi, qui, à la suite des mauvais résultats économiques européens, a annoncé le lancement d'un nouveau programme de financement des banques dès septembre prochain. Baptisé du nom barbare de TLTRO (Targeted Long-Term Refinancing Operations), ce dispositif déployé sur quatre ans prévoit que les banques ayant recours à ces financements proposés à des taux très avantageux, prêtent au secteur privé, en particulier aux petites entreprises, sous peine de devoir les rembourser. C'est la première fois qu'un dispositif est ainsi assorti de contreparties définies. Encore faut-il que les banques jouent le jeu. La BNP, première banque européenne, n'a pas tardé à communiquer qu'elle serait partie prenante. Véritable volonté ou besoin de redorer son image auprès de l'opinion publique, après le scandale de l'amende record écopée il y a quelques mois aux États-Unis ? Le volume de l'enveloppe est en tout cas de taille à attiser les convoitises. Entre 450 et 850 milliards d'euros.

BESOIN DE COHÉRENCE

« Si la BCE agit de la sorte, explique Aurélien Soustre, conseiller financier à la BNP et RS CGT, c'est parce qu'elle voit qu'il y a un problème ; ça montre que les politiques menées jusqu'ici ont été contre-productives. Mais si on améliore les choses d'un point de vue monétaire, il faut aussi le faire au niveau de la politique budgétaire. À quoi ça sert d'améliorer les conditions de crédits si, dans le même temps, on mène des politiques d'austérité ? Il faut que les politiques monétaires et budgétaires soient cohérentes. »

Dans cette logique, pour encourager les banques à s'engager en faveur de l'économie plutôt que de jouer pour leur propre compte, « le gouvernement peut prendre des mesures, analyse Nasser Mansouri-Guilani. Notre syndicat revendique un pôle financier public, mais déjà la Banque publique d'investissement est un outil de soutien important de l'État à l'investissement et, donc, à une partie du système bancaire, pour qu'il finance ces investissements-là ».