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Raffineries et dépôts de carburants : la menace de la réquisition

12 octobre 2022 | Mise à jour le 12 octobre 2022
Par | Photo(s) : AFP
Raffineries et dépôts de carburants : la menace de la réquisition

Dépôt Total de Mardyck

Les grévistes de Total et Esso-Exxonmobil ont droit à un flot de provocations, venant notamment de leurs directions et du gouvernement. Est-il honteux de réclamer sa part quand les super-profits explosent ? Reportage au dépôt Total de Mardyck, près de Dunkerque, dans le Nord.

Une journée d’outrances et d’insultes. Ce 11 octobre , les grévistes des raffineries et dépôts de carburant d’Esso-Exxonmobil et Total en ont entendu de toutes les couleurs. La Première ministre affirme ainsi avoir « demandé aux préfets d'engager, comme le permet la loi, la procédure de réquisition des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts » Esso à Gravenchon (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Dans ce groupe, la CFDT et la CFE-CGC ont signé un accord salarial avec la direction. La CGT et FO poursuivent la grève. De son côté, Total a convié les syndicats représentatifs qui « ne participent pas au mouvement de grève » à une réunion ce 12 octobre, excluant ainsi la CGT et FO, qui rejoint le mouvement. La palme du propos le plus violent revient à Xavier Bertrand, président LR du Conseil régional des Hauts-de-France, qui qualifie de « chienlit » la grève au dépôt Total de Mardyck, près de Dunkerque (Nord). Pas de problème, répond le ministère de la Transition énergétique : là aussi, un arrêté « sera activé si la situation de grève se poursuit demain [mercredi 12 octobre, NDLR] malgré l’ouverture des négociations envisagée ».

Aucune barricade pour bloquer les camions citernes

Quel crime commettent les grévistes de Total ? Réclamer une augmentation de 10%, alors que l’inflation flirte avec les 6%, que le groupe a engrangé au deuxième trimestre un bénéfice record de 5,7 milliards d’euros, que les actionnaires ont eu droit à un supplément de dividende de 2,5 milliards d’euros le jour même du début de la grève, le 27 septembre, et que le PDG, Patrick Pouyanné, émarge à 5,9 millions annuels en 2021, soit une augmentation de 52% par rapport à 2020. De quoi écœurer encore un peu plus la dizaine de grévistes rassemblés devant le portail du dépôt de Mardyck, ce mardi, avant la prise de poste de 14 heures. « On ne bloque pas », insiste l’un d’eux. De fait, aucune barricade n'empêche de circuler les camions citernes, qui sont habituellement une centaine par jour à s’approvisionner en carburant. C’est bien la grève qui rend impossible l’opération. « On entend que la direction propose d’avancer les NAO de 2023, ajoute un gréviste. Nous, on parle de 2022 et on demande un rattrapage, du fait de l’inflation et du niveau des bénéfices [les NAO de cette année se sont conclues sur une augmentation moyenne de 3,5%, NDLR]. » Et que dire des montants de salaires fantaisistes annoncés par la direction du groupe ?

A Mardyck, la raffinerie a disparu en 2010

Sophie (prénom modifié), assistante au service formation, en a également assez des «commentaires sur Facebook sur les salariés de Total qui seraient bien lotis ». « Cela fait 23 ans que je travaille ici et c’est la première fois que, depuis 2010, il y a autant de grévistes. » L’année 2010 est celle où la direction du groupe a voulu faire disparaître la raffinerie, qui existait alors sur le site, et employait 400 salariés directs pour 600 sous-traitants. La lutte a permis de conserver un dépôt de carburants et des activités annexes: une école des métiers du raffinage et un centre d’assistance technique. Le tout emploie moins de 200 personnes, en-dessous des 260 postes promis. « Ici, cela fait 12 ans qu’on nous promet un projet industriel qui ne vient pas », dénonce Benjamin Tange, délégué syndical central CGT. Tout ce que la CGT a proposé -production d’hydrogène, de biogaz, recyclage de plastiques…- « a été balayé de la main», s’insurge Benjamin Tange. « On subit un gel des embauches et Total s’obstine à baisser les coûts à tout va. Le budget de maintenance est passé de 5 à 2,2 millions d’euros en moins de trois ans. On ne fait plus de préventif, on ne répare plus que sur casse ou problème technique. Cela occasionne une dangerosité et du stress. » Si la CGT Total a pour le moment préféré se concentrer sur ses demandes salariales, les revendications de départ portaient aussi sur des investissements et des embauches. Nul doute qu’elles seront à nouveau mises sur la table, le moment venu.

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