27 juin 2023 | Mise à jour le 28 juin 2023
Militante écologiste, Camille Etienne a fait le choix de l’éducation populaire et de la désobéissance civile pour mener des campagnes d'alerte contre les grands projets climaticides. Dans son premier livre,
Pour un soulèvement écologique, paru au Seuil, cette montagnarde diplômée de Sciences-Po nous invite à dépasser nos peurs et notre sentiment d'impuissance collective face au dérèglement du climat.
Vous avez grandi en Savoie. De quelle manière ce territoire a-t-il façonné votre engagement écologique ?
Il a façonné tout de moi. Je lui dois mes premières indignations, parce que c'est un territoire qui, en tant que station de ski, abrite de profondes inégalités. Les populations d'agriculteurs pastoraux, comme la génération de mes grands-parents, sont mélangées avec celles des milliardaires qui viennent du Brésil pour skier. J'ai grandi dans un village, avec des chalets d'alpage où l'on monte les troupeaux. On y passait tous nos étés, sans eau, sans électricité. On dormait à la belle étoile. Dans ces endroits, la nature est très présente dans notre quotidien. Les agriculteurs façonnent les paysages, les prairies. Et on a du mal à se dire que ça se délite, que cela va disparaître. Dans les Alpes, le réchauffement va deux fois plus vite que sur le reste du territoire français, on est aux premières loges du dérèglement climatique. Les plantes que je voyais en montagne ne se retrouvent plus aussi haut, les populations d'insectes ont diminué. On observe à vue d'œil le recul des glaciers et avec la fonte du permafrost, cette fine couche de glace qui colle les roches entre elles, des pans entiers de montagne s'effondrent. J'ai vu tout ça à l'échelle de ma petite vie.
Dans une tribune au quotidien Le Monde, le sociologue Bruno Latour écrivait : « Si je vous dis : “Votre territoire est menacé”, vous dressez l'oreille. Si je vous dis : “Il est attaqué”, vous êtes tout feu tout flamme pour le défendre. »
C'est comme ça qu'est née mon indignation ! Mon ancrage est absolument territorial, c'est là que je puise ma force. Quand je retourne chez moi, dans mes glaciers, tout redevient très clair. C'est fondamental que la lutte écologique se passe aussi sur les territoires car ça va à l'encontre de l'idée que le mouvement serait un peu bobo, déconnecté. La territorialisation des luttes peut prendre beaucoup de directions différentes, avec les Soulèvements de la terre, avec les ZAD. C'est aussi une question de démocratie d'être capable de décider comment on veut habiter ces territoires-là. Dans les Pyrénées, où il n'y a plus d'eau en ce moment, est ce qu'on veut que ce soit les golfs qui restent ouverts ou que les agriculteurs puissent donner à boire à leurs bêtes ?
Vous évoquez dans votre livre un voyage sur un voilier, et comment en a découlé votre campagne sur les dangers de l'exploitation des fonds marins. De quelle manière cette expérience vous a-t-elle sensibilisée sur ces questions ?
Je suis partie en tant qu'équipier : on donne des coups de main en cuisine, en faisant des quarts de nuit, même si on n'a jamais navigué. Même quand on a grandi dans un territoire très urbain, on peut recréer un lien et une connexion à la nature très vite et éprouver le besoin viscéral de la protéger. C'est ce qui s'est passé pour moi sur l'océan, alors que je suis une vraie montagnarde et que je ne suis pas du tout à l'aise avec cet élément. J'ai compris que ce qui me semblait noir et silencieux dans l'océan était en fait hyperpuissant. Ce monde que j'ai découvert, les fonds marins, les abysses, m'a fascinée et bouleversée. Après cela, des biologistes m'ont contactée pour m'alerter sur l'exploitation minière des fonds marins. J'ai plongé dans le sujet et je me suis lancée à fond dans cette campagne. Cette question mélange écologie et néocolonialisme, car
