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THÉÂTRE

Simon Delétang, planches de salut

18 juillet 2020 | Mise à jour le 3 juillet 2020
Par | Photo(s) : Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP
Simon Delétang, planches de salut

Le directeur de théâtre Simon Del"tang pose pour une session photo devant Le théâtre du Peuple, à Bussang, le 9 aout 2019.

Tout juste entré en fonction, le directeur du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges) a dû se résoudre, crise sanitaire oblige, à annuler le festival d'été. Une première depuis 1945… Pour mieux repartir !
Article paru dans La CGT Ensemble ! de juin 2020
Que pensez-vous du plan pour la culture présenté le 10 mai par Emmanuel Macron ?

La prolongation jusqu'à fin août 2021 des  droits  à  l'indemnité  chômage des intermittents était très attendue. C'était le minimum. Les comédiens que j'avais au téléphone étaient angoissés à l'idée que le festival puisse être annulé. Bussang, c'est trois mois d'engagement, et près de 500 heures sur les 507 nécessaires à l'ouverture de droits. Là où j'ai été consterné, en revanche, c'est quand j'ai entendu le président nous proposer d'aller faire de l'animation dans les quartiers cet été. C'est réduire la culture à un passe-temps…

Et l'idée de commandes publiques ?

On y est plus habitué dans les arts plastiques, l'opéra, la création numérique. Si cela peut offrir aux jeunes artistes et techniciens privés de spectacles une visibilité, pourquoi pas ?

Le festival d'été, qui accueille environ 25 000 spectateurs par an, devait se tenir du 1er août au 5 septembre. Comment avez-vous réagi ?

Les  pièces,  Hamlet  de  Shakespeare et Hamlet-machine de Heiner Müller, ont été reportées à 2022. Ce que nous craignions le plus était de ne pas pouvoir payer les salaires des 80 intermittents et saisonniers. Heureusement, la Direccte a validé mi-mai notre dossier de demande d'activité partielle. Nous prendrons en charge les 16 % restants du salaire net. Si nous avions fini l'année en déficit, nous n'aurions pas pu redémarrer l'an prochain.

Comment est financé le festival ?

Bussang a une activité à l'année, autour d'une équipe de six permanents. Mais les subventions ne couvrent pas l'activité de l'été. Sachant que nous prenons à nos frais le logement et la restauration de ceux qui travaillent sur le festival. Les productions sont financées  par  la  billetterie.  Nous attendions 350 000 euros de recettes et 100 000 euros de bar. Pour l'heure, nous maintenons les stages prévus cet automne, ainsi que Vie de Joseph Roulin, un spectacle adapté du texte de Pierre Michon. J'espère également pouvoir reprendre les marches itinérantes à travers les Vosges, avec Lenz, de Georg Büchner.

Quel impact l'annulation du festival aura-t-elle sur l'économie ?

J'ai peur que les conséquences soient catastrophiques. C'est toute l'économie locale qui va être touchée. Je pense aux hébergeurs, à nos fournisseurs : le brasseur, le fromager, le charcutier. Une étude réalisée en 2012 montrait qu'un euro investi dans le festival d'été générait quatre euros de retombées pour  le  territoire.  Bussang  se  situe dans une vallée qui a beaucoup souffert de la désindustrialisation. Elle ne s'en est jamais vraiment remise. Les métiers du bois font ce qu'ils peuvent, mais, depuis un an, sous l'effet du réchauffement climatique, les arbres subissent des attaques de parasites.

La crise entraînera-t-elle de grands changements pour le tissu culturel ?

C'est  un  peu  tôt  pour  le  dire.  Nous sommes dans l'expectative. Le point positif du confinement est que les structures théâtrales du Grand Est ont été en lien comme jamais. L'initiative est venue d'Alexandra Tobelaim, la nouvelle directrice du Nest, à Thionville. Assez tôt, elle a lancé un appel pour qu'on réfléchisse ensemble à « l'après ». Nous avions une visioconférence par semaine. L'occasion de partager nos inquiétudes – certaines collectivités locales annoncent déjà des économies sur le budget culture l'an prochain –, d'échanger sur la manière dont on gérait le chômage partiel, dont on envisageait la réouverture, les répétitions à venir. Ce serait bien que cette solidarité survive au confinement.

Simon Delétang est né en 1978. Comédien et metteur en scène, il a dirigé le théâtre Les Ateliers à Lyon de 2008 à 2012. Il intervient aussi dans de nombreuses écoles d'art dramatique (Ensatt, École de la Comédie de Saint-Étienne…). Fin 2017, il succède à Vincent Gœthals à la tête du Théâtre du Peuple, créé en 1895, à Bussang. Pour la saison 2020-2021, le jeune directeur a de nombreux projets, notamment à la Comédie-Française.
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