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18 septembre : une immense colère sociale à Paris

19 septembre 2025 | Mise à jour le 19 septembre 2025
Par | Photo(s) : Clément Martin
18 septembre : une immense colère sociale à Paris

Mobilisation du 18 septembre 2025 à Paris

Plus de 55 000 manifestants ont battu le pavé parisien derrière une intersyndicale qui revendique un autre budget et l'abrogation de la retraite à 64 ans. Parmi eux, de nombreux salariés du secteur privé, rarement en grève. Au lendemain de cette mobilisation, les syndicats se rencontrent pour discuter des suites à donner.

Le succès d'une mobilisation se mesure à l'aune de la présence, parfois inédite, de salariés travaillant dans le secteur privé. Dans le cortège parisien qui s'ébranle de Bastille à Nation ce jeudi 18 septembre, on croise aussi bien des grévistes travaillant chez Stellantis, Safran, Carrefour, Sephora, Aéroports de Paris, que des agents de la RATP, d'EDF, des hospitaliers de l'AP-HP, des travailleurs de la culture, des musées, du service public dont la présence est plus attendue. Plus de 55 000 personnes ont battu le pavé parisien derrière l'intersyndicale réunie pour la première fois depuis juin 2023, date de la dernière manifestation contre la retraite à 64 ans. Cette fois, la politique austéritaire que préfigure le budget Bayrou et que son successeur, le premier ministre Sébastien Lecornu reprend pour l'instant à son compte est à l'origine d'une colère sociale protéiforme.

De la start-up à la firme du CAC 40

Parmi les principales exigences des syndicats, l'abrogation de la retraite à 64 ans, l'instauration d'un dispositif de justice sociale et fiscale qui taxent les gros patrimoines, le conditionnement des aides publiques, l'attribution de moyens supplémentaires aux services publics. Anne-Laure Tardieu, secrétaire de l'UL CGT de Montreuil recense 200 appels à la grève dans sa ville de Seine-Saint-Denis, « de la start-up à l'entreprise du CAC 40. Des salariés de Miyam (supermarché qui se veut responsable, ndlr), qui ont créé récemment un syndicat et dénoncent des pratiques de management infantilisantes, sont en grève. A la BNP, des cadres rarement en grève, le sont aujourd'hui, ce qui prouve que le malaise est partout ». Inédit aussi, la présence d'une trentaine de jeunes derrière la bannière informatique, conseil, jeux videos, bureaux d'études. Ces derniers répondent à l'appel d'une toute jeune intersyndicale -CGT syndicat des sociétés d'études de Paris, Solidaires informatique et Syndicat des travailleurs du jeu video- « Nous voulons structurer un secteur très peu syndiqué, où les maladies professionnelles progressent du fait d'une organisation du travail de plus en plus maltraitante. Beaucoup de cadres au forfait ne comptent pas leurs heures et finissent en burn-out », raconte Carine Torset, de la CGT syndicat des sociétés d'études de Paris, se félicitant d'une AG qui a réuni près de 250 salariés.

18 septembre manifestation Paris.

18 septembre 2025 (photo Nina Breux-Swysen)

Les plans de licenciement se multiplient

Son acolyte Sam, de Solidaires informatique Ile-de-France enchaîne : « Des plans de licenciement et des ruptures conventionnelles collectives se multiplient dans nos secteurs ». Le matin, ils ont manifesté devant Station F, l'incubateur de start-up créé par Xaviel Niel. « On y a croisé par hasard le président de la CGPME Amir Reza Tofighi, on a discuté vingt minutes avec lui dans un dialogue de sourd, raconte Sam. On sent monter une colère générale contre le déni de démocratie que constitue le passage en force sur la retraite à 64 ans et le mépris du résultat aux élections législatives. Tout est à revoir dans le budget Bayrou ». Plus loin, alors qu'une sono crache la chanson Résiste de France Gall, Dominique et Laurent déambulent côte à côte. Les deux sont enseignants en lycée privé, un secteur là encore rarement présent en manif. Les deux témoignent d'ailleurs des difficultés d'exprimer sa colère dans un milieu où « les parents, les enseignants estiment que la grève est interdite ». « Se mobiliser est d'autant plus difficile qu'un tiers du personnel est en CDD à l'année. La précarité est plus élevée dans l'enseignement privé que dans le public. Des maitres délégués diplômés à bac+5 démarrent à peine au smic du fait de l'absence de revalorisation des minimas conventionnels. Les conditions d'enseignement se dégradent, avec des classes à plus de 40 élèves », témoignent-ils.

Un autre budget est possible

Camille elle, travaille au sein d'une agence urbaine où parmi les quelque 200 salariés, une vingtaine a cessé le travail. Elle craint « des baisses de budget qui nous affecteraient directement car nous dépendons des financements de la Région et de l'État. Notre budget a déjà été réduit de trois millions sur deux ans ». Près du stand Attac qui se veut être un centre de perfusion financière pour ultra riches, Jonathan Dos Santos, militant syndical chez Stellantis Poissy, s'inquiète de l'avenir du site après 2027. Il est accompagné d'une vingtaine de militants CGT. « La direction n'a prévu aucune production pour l'instant, alors que Stellantis a réalisé 52 milliards de bénéfices depuis 2000. On sent une colère monter ». Plus attendus, les soignants sont venus en nombre exprimer leur ras-le-bol face à une succession de restrictions budgétaires qui engagent le diagnostic vital de l'hôpital. « 20 000 lits ont été fermés depuis 2017, dont 4600 l'année dernière alors qu'Emmanuel Macron avait dit vouloir en finir avec cette politique au moment du Covid. Le budget Bayrou a prévu 5 milliards d'économies sur la Sécurité Sociale, ce n'est plus possible de fonctionner comme cela. Aujourd'hui, on demande aux hôpitaux de se préparer pour une médecine de guerre à partir de mars 2026. Il faut un sursaut du monde du travail pour rejeter en bloc le budget Bayrou », s’agace Barbara Filhol, secrétaire de la CGT santé et action sociale qui a décidé d'une action le 9 octobre.

Le budget s’écrit dans la rue

« Le secret de la mobilisation pour exercer une action économique sur le pays, c'est le nombre et la grève. Aujourd'hui, des milliers de crèches, des écoles sont fermées. Des centaines d'usines telle qu'Arkema, Verralia, la Tour Eiffel sont perturbées. C'est pourquoi le patronat est si fébrile et qu'il parle d'organiser des manifs. Il sent que le vent tourne, on doit être conscient de cette force. Notre objectif est d'organiser une mobilisation dans la durée pour mettre le budget sous la surveillance des travailleurs et des travailleuses. C'est la rue qui doit écrire le budget et si Lecornu ne le comprend pas, c'est lui qui va finir à la rue. Il n'y aura pas de stabilité politique sans justice sociale et fiscale », martèle Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT présente dans le carré de tête aux côtés des autres leaders syndicaux. La CGT recensait un million de manifestants au soir du 18 septembre, présenté comme une étape de plus par rapport au 10 septembre. L'intersyndicale se réunit vendredi 19 septembre pour décider de la suite du mouvement.

 

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