22 mai 2018 | Mise à jour le 23 mai 2018
« Malmenés » par un gouvernement qui « veut tout privatiser », infirmiers, postiers ou enseignants ont manifesté dans une rare unité syndicale ce mardi 22 mai pour défendre leur statut et s'opposer aux projets du gouvernement, lors de leur troisième journée de mobilisation depuis l'élection d'Emmanuel Macron.
Le fonctionnement des écoles et collèges était perturbé, de même que l'accueil dans les crèches, des avions étaient cloués au sol et des coupures de courant étaient à prévoir, tandis que plus de 130 manifestations étaient programmées en France. À Paris, 16 400 personnes ont pris part au défilé, selon le comptage réalisé par le cabinet Occurrence, 15 000, selon la préfecture de police. Fait inédit depuis 2010, tous les grands leaders syndicaux étaient présents, derrière une banderole proclamant : « Pour une fonction publique de progrès social, pour l'augmentation du pouvoir d'achat, pour l'emploi public ».
L'unité syndicale est « une très bonne chose », a déclaré Philippe Martinez (CGT), car « ça donne une autre image du syndicalisme ». « Les agents publics sont malmenés aujourd'hui et ils méritent d'être respectés », a abondé Laurent Berger (CFDT), tandis que Pascal Pavageau (FO) assurait que l'unité pourrait « prendre une dimension interprofessionnelle ».
« Mépris » et « indécence »
À Marseille, facteurs, enseignants et retraités ont manifesté dans la matinée, de même qu'à Lyon, où ils étaient 4 500 selon la police. Souvent rejoints par des étudiants, des lycéens ou des cheminots, les fonctionnaires étaient 4 300 à Nantes, 2 700 à Caen, 2 200 à Périgueux, 2 800 à Rennes, 1 600 à Perpignan et Saint-Étienne, ou encore 500 à Auch selon la police. Infirmière au CHRU de Brest, Pascale Lestideau a dénoncé des conditions de travail « extrêmement difficiles » et des coupes budgétaires « intolérables ». « Tout cela nous oblige à renoncer à nos valeurs de soins et ça, c'est très, très dur pour nous », a-t-elle dit. « Hôpital à bout de souffle ! », pouvait-on lire aussi sur une pancarte à Caen, ou encore « Ehpad, retraites, facs, services publics, le casseur c'est Macron ».
Anaïs, employée dans une cantine, a défilé à Montpellier contre un « gouvernement ultralibéral [qui] veut tout privatiser ». Cette femme de 42 ans se défend d'être « une privilégiée ». « Quand j'entends ça dans la bouche de Macron et compagnie, je trouve ça indécent. » À Rennes, Gildas Le Hec’h a aussi fustigé le « mépris » de la majorité présidentielle. « Quand on ne sait pas quoi faire, on dit que les fonctionnaires coûtent cher. Balayer les couloirs d'une école ou les routes à 1 100 euros, vous trouvez ça cher ? », s'est faussement interrogé ce fonctionnaire.
Statut « attaqué »
Déterminés, les syndicats, représentant 5,7 millions d'agents, ont affiché une solidarité rare : les neuf (CGT, CFDT, FO, Unsa, FSU, Solidaires, CFTC, CFE-CGC et FA), déjà unis le 10 octobre, n'avaient pas lancé d'appel unitaire depuis une dizaine d'années. Les relations se sont détériorées depuis un an avec l'exécutif, qui envisage la suppression de 120 000 postes au cours du quinquennat mais a également reporté d'un an le plan de revalorisation des carrières des fonctionnaires (PPCR) conclu sous le gouvernement précédent, maintenu le gel du point d'indice qui sert au calcul des salaires, et réinstauré le jour de carence (paiement du salaire à partir du deuxième jour d'arrêt maladie).
Une concertation avec le gouvernement, démarrée fin mars, n'a fait qu'aggraver les inquiétudes. Les orientations choisies, dont une extension du recours aux contractuels, constituent, selon eux, une « attaque » du statut du fonctionnaire. Tentant de déminer la grogne, le secrétaire d'État à la Fonction publique, Olivier Dussopt, a promis lundi qu'il n'y aurait pas de « remise en cause » du statut, mais des « ajustements » et « une modernisation ». La réforme doit déboucher sur un projet de loi au premier semestre 2019, mais les fonctionnaires attendent avec méfiance le rapport CAP 22, censé dégager des pistes d'économies. Dans le secteur public, la précédente journée de mobilisation, le 22 mars, avait réuni 323 000 personnes dans la rue, selon le ministère de l'Intérieur (500 000 selon la CGT) et la toute première, celle du 10 octobre, 209 000 (400 000). Lors des questions à l'Assemblée, Olivier Dussopt a évoqué « un taux de grévistes un peu moins important que le 22 mars », alors que la fédération CGT des services publics rappelait que les taux, similaires à ceux du 22 mars, « confirmait incontestablement que les agents étaient en faveur d'une politique de rupture avec celle menée actuellement ».