Oubliez vos rêves de travail
Muriel Pénicaud est elle simplement la ministre des jobs, des petits boulots, voire juste la ministre de l'Emploi et des statistiques du chômage ? Emboîtant le pas de son patron qui avait suggéré le 15 septembre à un jeune horticulteur au chômage de « traverser la rue » pour trouver du travail dans la restauration, elle fait avec un peu moins d'arrogance et de mépris la promotion de l'emploi de survie dans le Parisien. Elle estime qu'« il n'y a pas de sot métier », dans un entretien mercredi au Parisien, regrettant qu'à 30 ans, certaines personnes n'aient encore « jamais travaillé ». « Combien de personnes aujourd'hui ne font pas le job de leur rêve ?… Moi, par exemple, mon premier travail n'était pas celui que j'avais choisi ! Sauf que le travail, ça permet d'avoir une autonomie, de faire des choix de vie. L'important, c'est de pouvoir évoluer tout au long de sa carrière », assure la ministre.
On voit donc que son sujet n'est pas le travail, mais l'emploi. Le travail qui fait sens, le travail qui libère, qui permet de s'épanouir, d'être utile aux autres, c'est décidément totalement démonétisé et ringard pour ceux qui nous gouvernent. Seul compterait le fait d'avoir un emploi, quel qu'il soit, afin d'avoir de quoi pousser son Caddie le dimanche. S'accrocher à l'idée de faire un jour le travail auquel on s'est préparé, espérer la reconnaissance et le paiement de ses qualifications, c'est totalement « monde ancien ».
Il y a une logique à de telles fadaises libérales. On commence par une école où la seule priorité serait « lire-écrire-compter », puis éventuellement une filière universitaire choisie par des algorithmes, et on poursuit par un job mal payé, déqualifié et précaire juste pour payer ses factures. Ministre de la jobitude, Muriel Pénicaud légitime par ses propos le bizutage social par lequel tous ceux qui ont fait l'effort de se former devraient passer avant de faire — peut-être un jour — le job de leur rêve.