168 régularisés célèbrent leurs victoires à Montreuil
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Mise à jour le 17 octobre 2018 à 15 heures : les grévistes ont remporté une victoire.
BSL Propreté, prestataire sous-traitant en nettoyage de salles de fitness parisiennes, ne fait pourtant pas que dans la propreté. Avec ses salariés en particulier. Spécialement recrutés parce qu'en situation administrative irrégulière ceux-ci sont d'autant plus vulnérables, ils subissent l'arbitraire patronal. BSL Propreté ne craint pas le recours à des méthodes peu raffinées lorsqu'il s'agit de sélectionner à l'embauche ses futurs exploités. En témoigne un enregistrement très spécial.
« Le gars que tu me proposes là, il est bien, mais il a des papiers, lui. Tu peux pas me trouver un gars sans papiers et tu lui dis bien que moi je le déclare, mais qu'il n'aura pas de congés payés, que je les paie pas, et qu'il faut qu'il signe une lettre de démission sans date, ok ? ». Ces propos à peine crédibles sont tirés de l'enregistrement d'un entretien d'avril dernier entre le patron de BSL Propreté et son chef d'équipe, chargé de lui fournir des profils appropriés à son système bien rodé, enregistrement envoyé à l'inspection du travail qui l'a authentifié.
De 14 h à 16 h chez Keep Cool Châteaudun. Puis, de 19 à 20 chez l'Appart Fitness et de 9 à 10 h dans une autre salle, 6 jours sur 7. Avec ce système d'horaires « chameaux », les employés de BSL Propreté cumulent péniblement 4 heures de travail effectif quotidien.
Mais dans les faits, ils passent autant d'heures en déplacement d'une salle à une autre que sur leurs lieux de travail. Et bien sûr, ces temps de trajet ne sont pas pris en compte et donc, pas rémunérés.
Pas plus que ne le sont les heures supplémentaires, le plus souvent la règle que l'exception. Mieux encore : bien que déclarés, ils ne bénéficient d'aucun jour de congé payé ni férié, la lettre de démission qu'ils sont contraints de signer à l'embauche servant à les licencier en cas d'absence, quel qu'en soit le motif, maladie, repos ou autre.
« C'est une situation emblématique d'abus de la vulnérabilité de travailleurs sans papiers qui, parce qu'ils sont dépourvus d'autorisation de travail, sont aussi privés de leurs droits », dénonce Marilyne Poulain, membre du collectif « travailleurs migrants » de la CGT.
Rodée au débusquage de ces systèmes d'exploitation de l'humain (Burger King, Vinci/RATP, Défi Technology, coiffeuses de Chateaudeau, chantier de Breteuil.. ), Marilyne Poulain et les militants de la CGT Paris ont largement contribué à la lutte des salariés de BSL Propreté.
L'exercice bute toujours sur le même écueil : l'absence d'un collectif de travail. Les employés ne se côtoient pas ou à de rares occasions sur les différents lieux de travail. « Ce sont d'anciens salariés qui m'ont conseillé d'aller voir la CGT », explique l'un d'eux.
Trois mois de travail syndical ont été nécessaires pour rencontrer chacun, relever les infractions au Code du travail, permettre aux salariés de s'exprimer à la fois sur leurs revendications et sur les formes d'action qu'ils souhaitaient, construire un cahier revendicatif solide, organiser la grève avec occupation et informer toutes les autorités compétentes de la démarche syndicale engagée : inspection du travail, préfecture de police, Direccte, etc. « Pour que tout se passe bien et dans les règles », précise Marilyne Poulain.
Ce lundi 15 octobre, à midi, dans les locaux de la CGT Paris, le collectif est réuni avant le passage à l'action. Un casse-croute fraternel pour donner des forces et hop, direction Keep Cool Châteaudun pour y planter le premier piquet de grève.
Dans la matinée, cette salle (comme huit autres) a reçu la visite d'une équipe d'inspecteurs du travail venus constater les faits dénoncés. Contacté par la CGT, le patron de BSL Propreté n'est pas joignable. Idem s'agissant du dirigeant de Keep Cool — donneur d'ordre de BSL Propreté.
C'est la DRH du groupe qui est informée par téléphone de l'occupation de la salle de fitness et du fait que la responsabilité de Keep Cool est très sérieusement engagée dans ce système d'abus de vulnérabilité. « Je suis choquée, il est hors de question de tolérer de telles pratiques totalement contraires aux valeurs de Keep Cool », s'émeut Iselle Brocca, la DRH.
« Notre responsabilité légale est certes engagée, mais nous n'avons aucun moyen de vérifier les conditions de travail des employés de nos prestataires, mais si ce que les grévistes dénoncent est avéré, nous le condamnons catégoriquement », assure-t-elle.
Il est 14 h chez Keep Cool. Les banderoles CGT sont déployées sous les regards médusés des clients affairés sur des rameurs et vélos elliptiques. Installés dans un recoin, debout et drapeaux CGT Paris au poing, les grévistes entonnent leur slogan de combat : « On travaille ici, on vit ici, on reste ici ». Pour sûr, ils y resteront au moins la nuit, le temps que les deux responsables de leur situation, les dirigeants de BSL Propreté et de Keep Cool, passent à la table des négociations et rétablissent dans leurs droits ces travailleurs de l'ombre, qui ont décidé d'en sortir.
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