24 octobre 2019 | Mise à jour le 24 octobre 2019
Conditions de travail dégradées, primes qui stagnent et expositions à des produits plus que dangereux, les ouvriers de la base navale de l'Île Longue, en face de Brest, sont en grève depuis plus d'une semaine. Et la situation reste bloquée.
« Hyper motivés » qu'ils sont les ouvriers de Naval Group employés sur l'Île Longue, base de la Marine nationale située sur la presqu'île de Crozon, en Bretagne. Qui depuis maintenant plus d'une semaine arpentent quotidiennement les rues de Brest.
Fondés par Richelieu au XVIIe siècle, les arsenaux français ont été transformés, en 2003, en une société anonyme (DCN), dont l'État détient environ 65 % des parts, le groupe Thalès possédant les 35 % restant. Depuis 2017, la DCNS est devenue Naval Group.
« Le ras-le-bol est général », explique Roland Guilcher, délégué CGT. « Depuis que Naval Group est devenue une boite privée, en 2003, les effectifs diminuent et l'on se retrouve avec des travailleurs qui doivent être très disponibles, prêts à faire un poste le soir ou des heures sup' sans forcément de délai de prévenance. »
Autre souci, « le calcul des indemnités ». C'est que, en raison de la situation géographique particulière du site de l'Île Longue, en face de Brest, les salariés de l'« Arsouille » doivent se présenter à 7 heures du matin à l'Arsenal afin d'être transbordés de l'autre côté de la rade et embaucher à 8 heures, idem pour le retour.
Une contrainte dont les conséquences, comme par exemple les difficultés à trouver une nounou pour les gamins dès l'aurore, sont compensées par diverses primes « dont certaines n'ont quasiment pas évoluée depuis 10 ans », selon le syndicaliste qui, avec ses camarades, demandent une revalorisation de la « prime d'attractivité » de « 170 euros par mois ».
Sécurité et les conditions de travail au centre du conflit
Restent les questions de sécurité. Car l'Île Longue n'est pas un site militaire comme les autres. « C'est la base opérationnelle des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins », précise Roland. Un site « bien protégé en terme de sûreté et de sécurité ». Sauf, manifestement, pour ce qui concerne les salariés. « On travaille encore dans des bateaux faits à une époque où l'amiante n'était pas interdit. Il y a aussi de la fibre céramique et des résines classées CMR [cancérigène, mutagène et reprotoxique, NDLR] », détaille-t-il.
Et ce n'est pas tout. « C'est une base construite sur une terre granitique au bord de la mer et donc il y a du radon. Le problème est que, sur certains services, la dose de radon est supérieure à la limite acceptable. » Ce gaz naturel radioactif n'est pas isolé. « Les bateaux étant propulsés par des chaufferies nucléaires, des mini centrales en fait, celles-ci dégagent aussi des rayonnements ionisants, tout comme les têtes de missiles. »
Bref, un cocktail pas vraiment bon pour la santé auquel personne ne peut échapper. « Quand tu vas travailler à l'Île Longue, soit tu te prends des produits CMR soit des rayons », résume Roland, rappelant au passage les 36 ouvriers irradiés en 1996. Le militant est très en colère car depuis la privatisation de l'entreprise, « il reste encore des personnels de droit public qui ont accès au décret amiante mais ceux embauchés depuis 2003, de droit privé, n'y ont pas droit. Alors qu'ils sont aussi exposés ».
Autant de bonnes raisons de se mobiliser donc. « La semaine dernière, avant les vacances scolaires, on était entre 300 et 400 [sur 550 ouvriers sur le site, ndlr] et depuis les vacances, on se retrouve tous les matins à 200-250. Il n'y a que l'encadrement qui reste, toute la production est dehors », se félicite Roland Guilcher.
Quant à la direction de Naval Group, « elle est prête à parler de tout sauf de l'indemnité et ça, ça met très en colère les salariés », prévient le délégué syndical…