L’avenir de la centrale de Cordemais de nouveau en suspens
Cordemais, l’une des deux dernières centrales à charbon en France, veut carburer au vert. Le 17 avril, près de 500 élus et militants sont venus défendre le projet... Lire la suite
Sébastien Ménesplier : Non, car sur le fond, rien ne change. Il s'agit toujours de découper EDF en trois entités censées se concurrencer et donc, de poursuivre le projet de démantèlement d'EDF initié sous l'intitulé Hercule. Depuis que la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili et le PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy, ont été dessaisis (par le président Emmanuel Macron) du dossier Hercule, les négociations avec la Commission européenne ont été reprises en main par le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, qui a renommé la même réforme par l'intitulé « Grand EDF ».
Sur la forme, en revanche, il y a eu quelques bougés, notamment un effort pour échanger avec les organisations syndicales sur cette réforme. Bruno Le Maire a clairement indiqué vouloir s'appuyer sur le corps social pour la mener à bien et surmonter les points de blocage de la négociation en cours entre la France et Bruxelles. Il a d'ailleurs organisé trois réunions bilatérales avec les dirigeants des quatre confédérations syndicales qui, à leur tour, ont associé les dirigeants de l'interfédérale à chacune de ces réunions.
Nouveau temps fort de mobilisation dans les industries électriques et gazières
Bruno Le Maire joue la carte de la concertation avec les syndicats de l'interfédérale EDF qui est historiquement unitaire depuis deux ans et vent debout contre cette réforme, quel qu'en soit l'intitulé, Hercule ou Grand EDF. Mais le ministre a pris la précaution de réunions bilatérales, format susceptible de favoriser le double discours, la division et l'opposition. En dépit de quoi, l'interfédérale de l'énergie tient bon. Elle en a encore fait l'énième démonstration lors de la mobilisation du 22 juin et, mieux, elle vient d'adresser un courrier au président de la République pour lui demander de défendre les intérêts de la France dans le cadre de cette réforme cruciale pour l'avenir d'EDF et pour la souveraineté énergétique de la France.
S'agissant d'EDF maison mère (EDF bleu dans feu « Hercule »), on peut signaler le remplacement de l'ARENH* par un autre dispositif de régulation du tarif de l'électricité qui va faire passer de 42 à 49 euros le prix du MWh, afin de renforcer EDF face à la concurrence. Le nouveau montant permettrait à EDF d'assurer la fin de vie de son parc nucléaire existant, d'achever le chantier de l'EPR de Flamanville et de financer les projets de grand carénage des centrales dont la durée de vie est prolongée jusqu'à 50 ans.
C'est un premier point de consensus entre la France et la Commission européenne, mais ne nous y trompons pas : l'ARENH émane d'une loi nationale que le gouvernement aurait pu modifier sans passer par Bruxelles. Intégrer sa renégociation dans le pack de la réforme d'EDF revient à donner à la Commission européenne un pouvoir qu'elle n'avait pas jusqu'ici sur la maîtrise de notre parc nucléaire, de notre production d'électricité et de sa tarification. Car dans sa stratégie d'énergie bas carbone à l'horizon 2050, la Commission a besoin d'EDF pour alimenter en électricité tous les pays d'Europe qui, à l'instar de l'Allemagne, ont arrêté le nucléaire et qui sont ou seront demain en déficit d'électricité ou à risque de blackout (rupture).
Le compte n'y est pas pour la FNME-CGT qui portait une autre option : sortir EDF du marché de la concurrence « libre et non-faussée » (mais en réalité, déloyale et très faussée), pour produire son électricité et pour que le tarif règlementé relève d'une maîtrise publique entre l'État et EDF.
Là encore, le compte n'y est pas pour la CGT. Au stade actuel des négociations, Bruxelles aurait concédé la mise en quasi-régie des barrages jusqu'ici exploités par EDF. Problème : cette forme de gouvernance peut permettre à la Commission européenne d'avoir la main mise sur l'exploitation, la vente et la commercialisation de l'électricité hydroélectrique pour, par exemple, imposer demain à EDF de céder un certain niveau de sa production à des pays frontaliers. Mais, aux dernières nouvelles, ce point de la négociation ne serait pas encore entériné.
Contre le plan Hercule, la mobilisation s'élargit aux usagers
C'est une belle promesse, mais qui ne convainc pas l'interfédérale de l'énergie, notamment en raison de l'expérience de Gaz de France devenue Engie et désormais privatisée. Car en maintenant le schéma d'une répartition en trois entités — EDF maison-mère, EDF hydro et énergies et EDF renouvelables, la réforme de Bruno Le Maire va en réalité éclater le groupe EDF comme prévu par le plan Hercule et comme cela a été le cas de GDF.
Ajoutons à cela la problématique d'Énedis (la filiale en charge de la distribution de l'électricité) qui va se retrouver dans EDF renouvelables (ex-EDF Vert) avec son capital ouvert à hauteur de 30 %, qui sera détenu par des acteurs privés. Et mesurons bien qu'entre Hercule et Grand EDF, sur le fond, rien n'a changé. Bruno Le Maire ne fait même pas mystère de ses intentions de financer l'investissement dans le renouvelable par ce truchement : recapitaliser « EDF maison mère » (EDF Bleu) de 10 milliards d'euros pour les réinjecter dans les comptes de l'État.
Raison pour laquelle l'interfédérale continue de contester l'argument de la renationalisation d'EDF, puisqu'il s'agit en fait d'une recapitalisation et bref, d'un jeu de bonneteau financier qui ne répond en rien à nos revendications d'une maitrise de l'énergie 100 % publique.
Si on peut reconnaitre à Bruno Le Maire d'avoir ouvert le dialogue avec les syndicats, on doit aussi souligner que ce n'est que pour y discuter de sa réforme, et jamais de nos propositions syndicales et ça, c'est un point de blocage majeur pour l'interfédérale. Pour la suite, plusieurs options sont envisageables : celle d'une semi-réforme d'EDF où, dans la perspective des élections présidentielles de 2022, le ministre renoncerait à placer Enedis dans l'entité EDF Renouvelables pour laisser à ses éventuels successeurs le soin de poursuivre la réforme.
Autre option, un passage en force d'Emmanuel Macron durant la pause estivale, que nous présumons comme possible, mais qui remobiliserait immédiatement l'interfédérale y compris durant les mois d'été. Ou encore, l'acceptation par le gouvernement d'organiser enfin le débat démocratique réclamé par l'ensemble des parlementaires depuis le lancement du projet Hercule. Ce qui est acquis à ce stade, c'est que la Commission européenne ne pourra pas atteindre son objectif bas carbone 2050 sans le parc nucléaire français.
Car seule EDF est en capacité d'assurer les niveaux de production électrique nécessaires à tous les pays. Tout cela, au moment où la 5G et les voitures électriques, très gourmandes en électricité, sont poussées tous feux en avant par les gouvernements de l'UE. Cherchez l'erreur !
*ARENH : Accès régulé à l'électricité nucléaire
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