Incendie, colère et lutte à l’usine Lu de Jussy
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La tension monte de jour en jour entre les grévistes et la direction de Bergams qui joue la carte du pourrissement du conflit en restant sourde aux revendications de l'intersyndicale CGT-FO. « Les salariés demandent juste le retour à la normale, de revenir aux conditions de travail et de salaire d'avant la crise sanitaire et de l'accord de performance collective », affirme Damien Ferrier. Membre de la direction de la FNAF-CGT (fédération de l'agroalimentaire), Damien est venu soutenir les grévistes et les militants l'intersyndicale CGT/FO qui occupent le site de Grigny, en attendant que la direction daigne ouvrir un dialogue social.
En première ligne durant les deux confinements liés à la crise Covid, les salariés de la production – qui ont travaillé en 2/8 avec près de 40 % des effectifs en moins pour cause d'absentéisme – se sont démenés pour assurer l'approvisionnement des supermarchés franciliens et de clients comme Air France en repas frais.
En guise de remerciement, la direction leur a imposé un accord de performance collective particulièrement indigeste. D'abord, parce qu'il a été obtenu avec la complicité de « syndicats maison » (CFDT, CFTC), contre l'avis des salariés et de l'intersyndicale CGT-FO. Et pour cause : cet APC entraine des réductions de salaire jusqu'à 800 euros/mois, une énormité au vu de la moyenne salariale située au niveau du SMIC.
Pour justifier des baisses d'une telle ampleur, la direction a avancé l'argument de la nécessité de préserver la santé économique de l'entreprise – un grand classique – tandis qu'elle se gavait d'aides publiques de l'État (160 000 euros/mois à minima, d'après les élus au CSE) pour mise en chômage partiel d'une partie de ses effectifs. Aux récalcitrants à cet APC, elle a brandi la menace de la fermeture du site et ses conséquences : perte de l'emploi, chômage massif et répercussions sur la communauté de Grigny qui figure en tête de liste des villes les plus pauvres de France.
Ce n'est pas tout : l'APC prévoit aussi une modulation du temps de travail – qui s'apparente à une annualisation – qui a fait exploser les cadences et les horaires entraînant 20 à 30 % de surplus de travail non rémunéré : « On sait quand on commence, on ne sait plus quand on termine, c'est au jour le jour, en fonction des exigences de la direction qui, si on s'en plaint, menace de nous licencier ou de nous placer en chômage partiel », témoigne Sow Amadou, délégué syndical CGT.
Cet APC a été arraché par la direction moyennant des subterfuges rendus légaux par les ordonnances Macron de 2017. En l'occurrence, un référendum interne bien retors : convocations individuelles des salariés par catégorie ethnique (Maghrébins, Africains, Indiens et Asiatiques) en vue d'encourager chaque communauté à signer le référendum préalable à l'APC. « C'est ce qui a déclenché la guerre entre les syndicats, puis entre les salariés de différentes ethnies », précise Daniel Esmara (DS FO). Et d'ajouter que, face aux résistances, la direction a envoyé ses cadres jusqu'au domicile des salariés, le soir, pour leur faire « entendre raison ».
Dans cette partie de jeu aux dés pipés, la première manche a été remportée par la direction de Bergams qui, grâce au référendum, a obtenu le suffrage minimal nécessaire pour imposer légalement son APC crapuleux. Seulement voilà, une fois passées les peurs et constatés les effets concrets de l'APC, les salariés, y compris les signataires du référendum, s'en sont remis à leurs syndicats.
« Quand ils ont compris la supercherie, ils voulaient qu'on déclenche la grève alors qu'on l'avait déjà proposée en août et qu'ils n'avaient pas voulu se mobiliser » , explique Nicolas D'Andrea, délégué syndical de FO qui leur a répondu « chiche, mettez-vous en grève, on suivra ». Et là, surprise, 80 % des salariés se sont déclarés en grève. Quatre jours plus loin, le taux de grévistes atteignait 90 %, « Et ça continue, on est aujourd'hui à 97 % de grévistes en production, les chaînes sont à l'arrêt et les rayons des supermarchés, vides », se réjouit Brahim (CGT-Bergams).
La deuxième manche de la bataille contre l'APC semble aujourd'hui bien engagée. Et la grève, partie pour durer. Mais jusqu'à quand ? « Jusqu'au bout et quoi qu'il en coûte », répond en bloc l'intersyndicale CGT-FO. « On est tous issus de filières d'immigration qui ont connu la misère, le frigo vide, les jours sans repas… On sait faire », assurent-ils. « Il faut comprendre qu'on n'a plus rien à perdre et qu'au pire, on sera au chômage, mais on sera mieux rémunéré que par notre salaire actuel amputé de 800 euros et sans horaires. On va tenir, on sait faire, ils n'ont pas le choix », assure Brahim.
Et de fait, la rhétorique intimidante déployée par la direction sur fond de chantage à l'emploi ne paye plus. Pas plus que les panneaux menaçants déployés par l'encadrement dans les couloirs de l'entreprise. Petit florilège constaté sur place : « Famille va mourir, besoin de travailler », « Stop grève », ou bien, « Nous aussi, on a morflé avec APC, mais on reste soudé », ou encore, « Nos enfants ne pourront plus manger, retournez travailler ! ». Ambiance… Coutumiers des expressions méprisantes des poissons-pilotes de la direction, les grévistes préfèrent en rire que s'en inquiéter. Du reste, qu'ont-ils à perdre ?
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