
Trump bombarde l'Iran, la CGT condamne l'escalade militaire
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Derrière son bureau au dernier étage des locaux flambant neuf de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), à Tunis, en plein centre-ville, Samir Cheffi, secrétaire adjoint de la centrale syndicale tire sur sa cigarette. « Nous n'avons toujours pas repris le dialogue social avec le gouvernement, cela fait des mois, c'est du jamais-vu », déplore-t-il. Malgré la stature du nouveau bâtiment de cette institution historique, inauguré le 1er mai 2024, ses militants n'en mènent pas large. Depuis l'été, la montée en tension avec le gouvernement a atteint son paroxysme avec une manifestation de protestataires anti-UGTT devant les locaux de la centrale le 7 août. Une poignée de personnes, dont des mineurs, réclamant sa dissolution et accusant l'organisation de corruption. La manifestation est intervenue après des grèves dans le secteur des transports publics fin juillet et une hausse du ton des syndicalistes face à certaines négociations non abouties avec le gouvernement. Bien que les manifestants n'aient pas revendiqué de couleur politique, le discours du président Kaïs Saïed, qui a justifié à demi-mots leur positionnement et le silence des autorités depuis, en dit long selon Samir Cheffi. « Nous avons réclamé l'ouverture d'une enquête, mais jusqu'à présent les autorités nient qu'il s'agissait d'une agression envers la centrale et estiment que les manifestants exerçaient leur droit à l'expression libre et à la manifestation, donc cela veut tout dire », explique le militant.
Cette « agression » de la centrale, qui n'avait pas été touchée de la sorte depuis 2012 lorsque des milices islamistes avaient tenté d'attaquer son siège, a provoqué une riposte et une tentative de démonstration de force du syndicat, jusqu'à présent réticent à l'idée de monter au créneau dans le contexte politique tunisien. Le 21 août, l'UGTT, en retrait de la scène politique depuis trois ans à l'exception des célébrations de la fête du Travail, a appelé à un rassemblement de solidarité. Près de 3 000 personnes, entre syndicalistes et militants de la société civile, ont répondu à l'appel et manifesté pacifiquement à Tunis. Si le chiffre de cette mobilisation reste faible, il est conséquent dans un pays où l'opposition politique peine à rassembler plus qu'une centaine de personnes, et les militants pro-pouvoir, encore moins. Depuis le coup de force du président Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, la rue tunisienne ne s'exprime pratiquement plus, blasée des crises politiques à répétition et d'une situation économique fortement dégradée. A l'époque, le chef de l'Etat élu à plus de 70 % des voix en 2019, avait saisi ce momentum politique deux ans plus tard pour limoger le chef du gouvernement, geler le Parlement et déclarer l'Etat d'exception, basé sur une interprétation libre de la Constitution tunisienne. L'UGTT, comme d'autres acteurs de la société civile, avait soutenu implicitement cette séquence politique car lassée comme une bonne partie de l'opinion publique par les blocages et les querelles parlementaires ainsi qu'une situation sanitaire au plus bas, frappée de plein fouet par la pandémie de covid-19. « Il y a eu un espoir à ce moment-là auquel beaucoup ont cru », affirme Samir Cheffi. Dans la foulée de ce coup de force dénoncé comme un « coup d'Etat » par quelques opposants et le parti islamiste Ennahda, des décrets présidentiels solidifient la monopolisation des pouvoirs et démantèlent une à une plusieurs institutions démocratiques créées après 2011, comme l'Instance de lutte contre la corruption ou encore le Conseil supérieur de la magistrature. Le Parlement est dissous, les médias traditionnels sont mis au pas et les opposants les plus actifs sont arrêtés et emprisonnés l'année suivante, accusés de « comploter contre la sûreté de l'Etat ». Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum, elle consacre un pouvoir hyper présidentiel, confirmé en 2024 avec la réélection de Kaïs Saïed avec 91 % des voix, face à deux candidats fantoches dont l'un a été emprisonné durant la course à la présidentielle. Le taux de participation du scrutin, 28,8 %, et celui aux législatives de 2023, 11,22%, témoignent du désintérêt massif des Tunisiens pour la politique et la désillusion des espoirs démocratiques formés en 2011.
Dans ce contexte, l'UGTT, comme le reste de la société civile, déchante rapidement face à un pouvoir qui ne prend même plus la peine de discuter avec les corps intermédiaires. Elle choisit de se mettre progressivement en retrait, affaiblie aussi par une crise en interne de gouvernance, jusqu'à ce sursaut, au cours de l'été, lorsque le dialogue avec le gouvernement semble définitivement rompu. « La crise est bien réelle, sur le plan régional et national, les syndicats ne peuvent plus négocier avec les autorités. Certains de nos militants sont harcelés et nous n'avons pratiquement plus de communication avec les ministères », explique Samir Cheffi. Dans la foulée de la grève des transports, la cheffe du gouvernement émet une circulaire pour rappeler tous les agents de la fonction publique détachés auprès des organisations syndicales et mettre fin aux cotisations automatiques des salariés affiliés à l'UGTT. En soutien à la centrale, les branches fortes du syndicat comme celles de l'enseignement, se sont mobilisées fin août et devraient se mettre en grève le 7 octobre pour des revendications salariales4. « Mais nous aimerions ne pas en arriver là, car en plus d'être mise de côté, l'UGTT est constamment diabolisée et aux yeux de l'opinion publique, nous sommes devenus parfois symboles de blocage » explique Samir Cheffi.
L'UGTT, fondée en 1946, a toujours été une exception dans le monde arabe. Forte de 750 000 adhérents, elle s'est construite en s'inspirant des syndicats français et italiens, mais surtout en force de résistance face au colonialisme, la Tunisie étant sous protectorat français jusqu'à 1956. Après l'indépendance du pays, la centrale a toujours joué un rôle politique important en phase avec les élites de gauche, opposées aux dictatures des anciens présidents Habib Bourguiba (1957-1987) et Zine El-Abidine Ben Ali (1987-2011). Les tensions avec le pouvoir ne sont pas nouvelles mais elles n'ont jamais atteint un tel stade. « L'UGTT a toujours été très riche historiquement car elle était composée d'ouvriers et d'élites qui ont lutté pour leurs droits, mais elle s'est aussi inscrite dans la lutte pour la libération du pays. Il y a donc aussi un aspect gauche nationaliste très important dans l'idéologie du syndicat », explique Amira Aleya Sghaier, historien. Aujourd'hui, le syndicat n'est plus composé à majorité par la classe ouvrière mais plutôt par des fonctionnaires, et sa base militante principale reste le secteur enseignant. Il s'est aussi progressivement éloigné de certaines élites après la révolution et reste assimilé, au sein de l'opinion publique, à « la décennie noire », c'est-à-dire les dix années de transition politique post-révolution 2011-2021) qui ont plongé le pays dans le chaos, selon la rhétorique officielle du pouvoir actuel. « L'UGTT est également prise entre deux feux car beaucoup de ses militants soutiennent le coup de force du 25 juillet, donc elle ne peut pas aller à l'encontre de ses bases », explique l'historien Abdellatif Hannachi. La centrale est divisée selon lui entre des cadres qui appartiennent encore à une élite de la gauche nationaliste et qui travaillent principalement dans les secteurs de la santé et de l'éducation, et une classe moyenne, déclassée par l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat, moins susceptible de sortir dans la rue ou de manifester pour ses droits. Malgré la levée de boucliers organisée au mois d'août qui a marqué un réel tournant dans la politique de l'UGTT depuis le 25 juillet, « la centrale syndicale reste encore prudente », estime l'historien.
Après avoir menacé d'une grève générale, rien n'a été acté, et depuis la rentrée, le secrétaire général de la centrale syndicale, Nourreddine Taboubi, ne s'est pas exprimé. « Même sous Ben Ali, l'UGTT était plus active, ça en dit long », estime Abdelatif Hannachi. Malgré sa capacité à encore mobiliser, le syndicat semble miser sur une forme de vigilance, à distance. « Il y a de profonds désaccords au sein de la centrale sur la méthode de gouvernance et beaucoup attendent un congrès national prévu pour mars 2026 pour voir si les choses vont changer », explique Amira Aleya Sghaier. Des désaccords que Samir Cheffi juge moins prioritaires que la situation politico-sociale. « Nous ne sommes pas embarrassés d'admettre que nous avons des soucis en interne, mais le problème actuel reste le blocage total de l'UGTT par le gouvernement et l'exclusion de toute forme de dialogue social », explique-t-il.
Face aux accusations de corruption par ses détracteurs, le militant ajoute que l'UGTT « n'a jamais été au-dessus des lois » et que ses syndicalistes sont prêts à aller devant le tribunal en cas de plainte dans le cadre d'une affaire de corruption. Aujourd'hui, son positionnement et sa réticence à aller trop loin dans la confrontation avec le pouvoir, suscite cependant des interrogations. « On est loin des ripostes qu'elle a eues en 2013 et 2014 lorsque le pays était plongé dans une crise politique très grave après l'assassinat de deux leaders de gauche », commente un politologue qui a souhaité garder l'anonymat. « A l'époque, l'UGTT, avec d'autres partenaires (La Ligue tunisienne des droits de l'homme, l'Ordre des avocats et l'Utica, la centrale patronale), avait initié un dialogue national et poussé le gouvernement à démissionner et à organiser de nouvelles élections », rappelle le politologue. Ce rôle de médiation avait été récompensé du prix Nobel de la paix en 2015 pour le quartet de la société civile qui avait permis une sortie de crise. Aujourd'hui, l'UGTT prône toujours un « dialogue social » malgré un contexte bien différent et une situation économique et sociale au « bord de l'explosion », selon les mots du secrétaire général, Noureddine Taboubi lors du rassemblement du 21 août. « Mais la confrontation semble inéluctable si ça continue ainsi », conclut le politologue.

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