À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
RETRAITES

Les retraités, une génération essentielle à la société

14 novembre 2025 | Mise à jour le 14 novembre 2025
Par | Photo(s) : Nina Breux Swysen
Les retraités, une génération essentielle à la société

Loin d'être tous des nantis, les retraités constituent une véritable génération pivot, à la fois soutien économique, lien familial et acteur social de premier plan. Leur rôle dépasse largement le simple statut de personnes âgées inactives.

« Nous ne sommes pas là pour attendre la mort. La retraite n’est pas l’antichambre de la mort mais une étape de la vie destinée à s’épanouir dans des activités choisies », philosophe Geneviève Lejeune, retraitée de 74 ans. L'emploi du temps de cette ancienne employée des télécoms est bien rempli, entre ses cinq petits-enfants, l'association dans laquelle elle s'investit et sa mère de 98 ans qui vit à ses côtés et dont elle s'occupe depuis un accident en août 2025. « On a pris la décision de la garder, ça nous bloquera peut-être, mais nous ne voulions pas la laisser seule ou en EHPAD. Ces établissements sont sous-dotés en moyens humains et financiers et ne répondent pas aux besoins d’une fin de vie agréable et digne. » Elle confie avec douceur : « M'occuper de ma maman, ça questionne sur la fin de vie. La sienne, la nôtre. »

Piliers de la société

Dans une société où quatre générations se côtoient, le quotidien de Geneviève Lejeune reflète celui d'une partie des retraités.  Cette génération « pivot » aide ses parents, ses enfants, ses petits-enfants et se retrouve plus que jamais le pilier des solidarités familiales du fait des évolutions de la société. Le vieillissement de la population implique une prise en charge de la perte d'autonomie à une extrémité de la vie, à l'autre, les galères de boulot et les ruptures sentimentales fragilisent sa descendance.  Selon une enquête de la Drees, un aidant sur deux est retraité. « Si on monétisait uniquement l’aide apportée aux personnes âgées, soit par leur conjoint ou conjointe eux-mêmes déjà vieux ou par leurs enfants qui ont plus de 60 ans, on serait autour de 15 milliards », évalue Bernard Ennuyer, sociologue spécialiste de la vieillesse et du vieillissement. En outre, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge rappelle que « la contribution des plus de 50 ans par le biais des tâches réalisées pour autrui (domestiques, aide informelle, associatives) est significative, estimée entre 0,5% et 1,9% du PIB ». Une comptabilité qui a le mérite de faire prendre conscience de la place qu'occupent ces porteurs de mémoire et passeurs de savoir, loin des discours stigmatisants dont ils peuvent être l'objet.

Parmi eux, des grands-parents veillent quotidiennement sur leurs petits-enfants. Toujours selon la Drees, près des deux-tiers des enfants de moins de six ans sont gardés occasionnellement par leurs grands-parents : « Sans nous, notre fille aînée serait dans une situation catastrophique », précise Nadine Davini, 63 ans. L'ancienne cadre supérieur de la plasturgie est à la retraite depuis deux ans et s'occupe presque à pleins temps de ses quatre petits-enfants. La retraitée raconte la séparation douloureuse de l'une de ses filles, l'aide qu'elle lui apporte au quotidien, sur un plan matériel et financier : « Notre soutien n'est pas négligeable. Ce que nous avons mis de côté, nous ne partirons pas avec, c'est certain ».

« J’aime donner de mon temps »

Alors que les associations ont alerté le 11 octobre 2025 sur la crise inédite qu'elles traversent à cause de la baisse continue de leurs financements, les retraités constituent aussi un précieux atout pour le tissu associatif. Selon des statistiques de France Bénévolat publiées en 2022, 48 % des associations sont présidées par des retraités. « Je passe beaucoup de temps avec l'association ADPI (Association pour personnes en situation de handicap). Nous organisons des voyages, c'est important. J'aime donner de mon temps pour cette cause », raconte François Neidhofer,68 ans, retraité depuis huit ans.

Le 6 novembre dernier, plusieurs milliers de retraités sont descendus dans la rue à l'appel d'une large intersyndicale pour contester les mesures les plus régressives du budget 2026 qui risquent d'affecter leur niveau de vie. « Les fins de mois sont très difficiles, quand je gagnais 200 euros de moins, il m'arrivait de pleurer », confie Denise Paoli, 68 ans et veuve depuis 20 ans. En ayant travaillé 30 ans dans le textile et 12 ans dans le milieu hospitalier, la retraitée touche une retraite de 2200 euros. « On a peur, on est seul. Il faut faire très attention à ce que rien ne nous arrive ». « Le niveau de vie relatif des retraités est resté globalement stable depuis 1996, alors qu'il avait fortement progressé depuis 1970. Il devrait toutefois diminuer à long terme », écrit le Conseil d'Orientation des Retraites dans son rapport de 2025. En moyenne, la pension brute était de 1670 euros en 2023. Avec de fortes disparités entre hommes (2090 euros) et femmes (1310 euros). Bernard Ennuyer, sociologue déclare à ce propos : « Les femmes se retrouvent plus souvent veuves que les hommes. Les pensions de réversion sont mauvaises, elles subissent un isolement social, leurs ressources sont beaucoup plus faibles et leur santé s'en trouve affectée. C'est la triple peine des femmes vieillissantes. » Il conclut : « Aujourd'hui, lorsque l'on parle de retraite, ce n'est pas l'âge qui compte, c'est l'appartenance de genre et de classe sociale. »