28 novembre 2025 | Mise à jour le 28 novembre 2025
Dans la nuit du 27 au 28 novembre 2025, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à nationaliser ArcelorMittal France. Porté politiquement par les députés de gauche, mais travaillé en profondeur par la CGT, le texte constitue une étape majeure pour l'avenir de la sidérurgie française.
« C'est une grande victoire », résume Stéphane Flégeau, secrétaire général de la FTM-CGT, en réaction au vote historique des députés à l’Assemblée nationale après l’adoption en première lecture jeudi 27 novembre d’une proposition de loi LFI visant à nationaliser le sidérurgiste ArcelorMittal France. Une victoire d'autant plus forte que la bataille politique a été âpre. Dans le détail, 127 députés de gauche ont voté pour, 41 députés de droite et macronistes, contre et le reste -dont le RN- s’est abstenu. « L'Assemblée nationale nationalise ArcelorMittal face à l’obstruction du RN qui joue double-jeu en laissant croire qu'il représente les salariés. Or on a vu l’attitude de ses députés durant le débat », réagit Stéphane Flégeau. Mais malgré les manœuvres et les centaines d'amendements dilatoires – le RN en a déposé pas moins de 290-, « ce vote est un signal très fort pour le maintien de l'emploi et de l'outil industriel ».
L’aboutissement d’un travail de fond mené par la CGT
Du côté de la CGT ArcelorMittal, la satisfaction est tout aussi nette. Pour David Blaise, délégué syndical et secrétaire général adjoint de la FTM-CGT, ce vote représente l'
aboutissement d'un travail de fond : «
C'est une grande victoire. Ce projet de loi a été porté par LFI, mais surtout travaillé par la CGT ArcelorMittal. C'est vraiment la CGT qui a écrit le texte. Il est le fruit de différents processus avec des cabinets d'expertise, des économistes ». Alors que le géant de l’acier annonçait un plan de licenciements massif dans plusieurs de ses sites français, la CGT ArcelorMittal avait en effet sollicité une
expertise sur une éventuelle nationalisation.
Ce vote n'est qu'une première étape : le texte doit désormais franchir l'obstacle du Sénat, dominé par la droite et le centre. Pour David Blaise, « le passage risque d'être difficile, mais la lutte a déjà permis de bouger les lignes. »
Le jeudi 27 novembre, quelques heures avant le vote, des centaines de métallos étaient venus devant l'Assemblée nationale à l’appel de la CGT. Gaëtan Lecocq, délégué CGT à Dunkerque, a tenu des propos qui résonnent fortement aujourd'hui : « Nous, ce qu'on veut, ce n'est pas l'aumône. Ce qu'on veut, c'est garder nos emplois, garder notre acier en France. On sait très bien que si demain l'acier tombe, c'est toute l'industrie qui tombe. » Il a rappelé la solidité économique du secteur : « Le projet de nationalisation est crédible. Rien que la société ArcelorMittal France a fait 1,2 milliard d'euros de bénéfices sur trois ans. On ne va pas investir pour perdre, on va investir dans quelque chose qui va nous faire gagner des ronds. »
Au-delà de la colère face aux licenciements en cours et aux aides publiques versées sans contrôle, Gaëtan Lecocq a pointé les responsabilités des uns et des autres avec la franchise qui le caractérise : « Le RN essaie de bloquer le projet avec ses amendements à la con, des virgules, des points-virgules… On voit leur double discours. » Pour lui, la nationalisation marque un tournant : « Si le projet va à terme, l'acier français sera nationalisé. Et ce sera une première victoire pour toute l'industrie française. »
Longue liste des renoncements politiques
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, présente elle aussi devant l'Assemblée le 27 novembre, a replacé l'enjeu dans une perspective historique. « Arcelor, c'est à nous. Arcelor, c'est notre fleuron de l'acier, issu d'Usinor, entreprise nationalisée. Arcelor nous a été volé il y a près de 20 ans par l'OPA de Mittal. » Elle a rappelé la longue liste des renoncements politiques : Gandrange, Florange, Denain, Reims… « Depuis 20 ans, ce sont les licenciements qui s'enchaînent. Mittal n'a jamais tenu ses engagements. »
La première dirigeante de la CGT a aussi dénoncé la gabegie financière : « 300 millions d'aides publiques par an, d'argent de nos impôts, qui devraient financer nos écoles et nos hôpitaux, et qui servent à engraisser les actionnaires. » Pour elle, le vote représente « un rendez-vous avec l'histoire », le moment de mettre fin à « cette politique du chèque en blanc » envers les multinationales.
Si la nationalisation n'est pas encore acquise, l'adoption en première lecture constitue une avancée majeure. Elle montre qu'une issue existe et que les salariés ont raison de ne pas se résigner. Comme le dit David Blaise : « Il ne faut pas que les salariés soient résignés. Avec la lutte, on peut obtenir des succès. » Et comme le martelait Sophie Binet s'adressant aux députés : « Les travailleurs vous regardent. Soyez à la hauteur de notre combativité. »
Cette première victoire est celle des salariés, des syndicats, de la mobilisation, du travail collectif engagé depuis dix-huit mois. Le combat continue — au Sénat et dans la rue. Mais la démonstration est faite : lorsque les salariés se battent ensemble, l'histoire peut basculer.