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TUNISIE

La confrontation entre le pouvoir et l’opposition se durcit

4 décembre 2025 | Mise à jour le 4 décembre 2025
Par | Photo(s) : FETHI BELAID / AFP
La confrontation entre le pouvoir et l’opposition se durcit

Des tunisiens et tunisiennes lors d'une manifestation organisée par des ONG et des partis politiques pour réclamer la libération des prisonniers politiques et une plus grande liberté d'expression à Tunis. Le 29 novembre 2025.

La libération de l'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani n'a pas été synonyme d'ouverture pour le pouvoir tunisien. La justice a confirmé des peines légèrement réduites mais encore sévères dans le procès politique du complot contre la sûreté de l'Etat. Depuis, deux opposants en liberté provisoire ont été arrêtés. Ce jeudi 4 décembre, la centrale syndicale UGTT, en froid avec le gouvernement depuis plusieurs mois, appelle à manifester.

 

« On libère une opposante (Sonia Dahmani) pour en emprisonner une autre (Chayma Issa) deux jours plus tard. C'est terrifiant », déclare Elyes Chaouachi, un opposant tunisien résidant en France, après l'arrestation de l'opposante Chayma Issa, condamnée à vingt ans de prison dans le méga procès du complot contre la sûreté de l'Etat. Ce procès qui concerne 37 accusés dont une majorité est en fuite ou à l'étranger, est emblématique de la répression contre l'opposition en Tunisie. La plupart des prévenus ont été condamnés sur la base de la loi antiterroriste, à des peines allant de 5 à 45 ans de prison. Ils sont accusés d'avoir attenté à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat par un complot et d'adhésion à un groupe terroriste. Elyes Chaouchi en sait quelque chose, son père Ghazi Chahouachi, secrétaire général du parti de gauche Le courant démocrate, a été condamné en appel dans ce procès à vingt ans de prison, arrêté et emprisonné depuis 2023.

La répression continue

L'opposant réfugié en France totalise 38 ans de prison dans le cadre de six procédures judiciaires, suite à ses déclarations qui visent directement Kaïs Saïed et la dérive autoritaire du pouvoir. Il a suivi à distance la manifestation de samedi 29 novembre organisée par deux associations féministes, avec les partis politiques et la société civile pendant laquelle l'opposante Chayma Issa a été arrêtée. Elle a été prise à partie par un groupe d'agents de police en civil alors qu'elle s'éloignait de la manifestation, et emmenée dans une voiture banalisée, sous les yeux de ses proches. « Je sais ce que c'est de faire de la prison mais je continuerai de me battre contre toute forme de dérive autoritaire », a-t-elle prononcé. Puis, l'avocat et militant des droits de l'homme Ayachi Hammami, condamné à 5 ans de prison dans l'affaire du complot, a été arrêté à son domicile mardi 2 décembre.

Cette reprise de la répression envers l'opposition justifiée par « l'application des jugements conformément à la loi » selon les autorités, témoigne de la fébrilité du pouvoir selon le politologue Mahdi Elleuch. « Le régime est affaibli, sous pression. D'où cette réponse répressive. Sur le plan local, la crise est plurielle : les manifestations contre la pollution à Gabès au sud tunisien, la question de la crise économique, le rapport de force latent avec la centrale syndicale l'UGTT et surtout, la persévérance de la contestation dans la rue même si elle reste circonscrite à Tunis. Toute cette évolution politique ne suffit pas pour faire chuter un régime mais cela peut l'affaiblir » conclue-t-il.

Un affaiblissement relatif

Néanmoins, les frémissements de résistance peinent à s'étendre au-delà des cercles d'opposants. Depuis sa réélection en 2024, Kaïs Saïed reste populaire auprès d'une partie de la population qui estime que son intégrité et sa sévérité envers les « traîtres et les corrompus » (selon les mots du Président), sont gages de confiance. Une rhétorique qui fonctionne jusqu'à présent, certains tunisiens estimant que le manque d'amélioration du climat économique est dû au fait que « on ne laisse pas Kaïs Saïed travailler » comme le veut la petite musique répétée par des chauffeurs de taxis, des petits commerçants, ou encore les propagandistes du régime désormais prédominants dans les médias.

Même si la rhétorique officielle est mise à l'épreuve des réseaux sociaux, où beaucoup continuent de tourner en dérision la vie politique tunisienne et dénoncent les atteintes aux droits humains. « Les réseaux sociaux nous permettent d'archiver et de documenter ce qu'il se passe, à la différence de sous la dictature de Zine el Abidine Ben Ali » explique Elyes Chaouachi. La confrontation entre l'opposition et le pouvoir monte d'un cran. Ce jeudi, la centrale syndicale UGTT, en froid avec le gouvernement depuis plusieurs mois à cause de l'absence de dialogue social, va manifester, à la veille de la commémoration de la date anniversaire de l'assassinat du leader syndical Farhat Hached, il y a 73 ans. « D'habitude, cette commémoration est aussi un moment où le Président Kaïs Saïed vient se recueillir avec l'UGTT devant la tombe de ce symbole de la lutte syndicaliste, on va voir comment ça va se passer cette année vu la montée en puissance du bras de fer » conclut Mahdi Elleuch.