
Le budget de la Sécu revient à l'Assemblée nationale
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Ambroise Croizat , homme politique français et militant syndical en novembre 1945.
Le 17 février 1951, une foule d'ouvriers, de militants, d'anciens déportés et d'élus se presse dans les rues de Paris à l'occasion des obsèques d'Ambroise Croizat. « Vous avez vu la mer ? C'était cela. Une foule serrée, puissante, avec des remous et des grondements de douleur et de colère contenus. La circulation arrêtée, des heures durant, dans la moitié de Paris, pour que ce flot puisse s'écouler », écrivait la journaliste et résistante Madeleine Riffaud, dans la Vie Ouvrière. Cet homme, fauché à 50 ans par un cancer, a bâti la Sécurité sociale.
« Le sentiment d'infériorité que ressentaient les travailleurs par rapport au patron et l'incertitude du lendemain l'ont marqué », souligne Pierre Caillaud-Croizat, son petit-fils. Le père d'Ambroise, ouvrier, doit quitter son usine (et la Haute-Savoie) pour avoir fait grève, puis il est mobilisé en 1914. à Lyon, Ambroise entre à l'usine comme apprenti et adhère au syndicat de la métallurgie un an plus tard. Il entre ensuite au Parti communiste français (PCF) et poursuit son engagement à la CGT, devenant secrétaire général de la fédération de la métallurgie en 1936. « Il a apporté énormément, souligne Bernard Lamirand, ancien secrétaire de la fédération, fondateur de l'Institut d'histoire sociale (IHS) métallurgie et ancien président du comité d'honneur pour la reconnaissance nationale d'Ambroise Croizat. Il a été à l'origine de l'occupation d'usines en 1936, il a conduit la lutte. Il a eu un grand rôle dans les négociations à Matignon pour imposer nos revendications. Un évènement capital dans la métallurgie, après les années difficiles de scission de la CGT. » Un rôle d'autant plus marquant que, comme le rappelle Emmanuel Defouloy, journaliste et auteur d'Ambroise Croizat – Justice sociale et humanisme en héritage (éd. Geai Bleu), son action fait exploser le nombre d'adhérents :
Élu député communiste en 1936, Ambroise Croizat s'intéresse aux questions du travail : conventions collectives, procédures de conciliation et d'arbitrage dans les conflits collectifs, amnistie des ouvriers réprimés à la suite de grèves. Par fidélité à la ligne du PCF, il approuve le pacte germano-soviétique et il est arrêté, avec quarante-trois députés, en octobre 1939. Déchu de son mandat, il est condamné à la prison où il passe trois ans et demi, en France, puis en Algérie, dans des conditions extrêmement difficiles – il perd trente kilos. « À son retour, il intègre l'Assemblée consultative provisoire pour la CGT et recommence à siéger avec les gens qui l'ont envoyé en prison ! Il avait cette capacité à aller de l'avant », insiste Pierre Caillaud-Croizat.
Là encore, son intérêt pour les travailleurs se fait sentir en tant que membre de la commission des affaires économiques et sociales. Nommé ministre du Travail dans le gouvernement provisoire le 21 novembre 1945, il met en œuvre la Sécurité sociale, dont les ordonnances ont été publiées les 4 et 19 octobre 1945, sur la base du programme du Conseil national de la Résistance. Il est très apprécié par les ouvriers, ce qui simplifie la mise en place de la Sécu, en moins d'un an. « Les militants, sur leur temps libre, rénovent les bâtiments qui accueillent les caisses, fabriquent du mobilier, écrivent les fiches des assurés sociaux. Il fallait un Croizat pour établir cette confiance avec le monde du travail », expose son petit-fils. Mais ses apports au monde du travail sont plus larges : lois sur les délégués du personnel, les comités d'entreprise, suppression de la minoration du salaire des femmes…
Croizat déclare dans un discours à l'Assemblée : « Nul ne peut revendiquer la paternité exclusive de la Sécurité sociale. » Pourtant, l'histoire retient surtout le nom de Pierre Laroque, son binôme haut fonctionnaire. « Les raisons de cet effacement mémoriel sont multiples : d'abord, les élites bourgeoises ne veulent pas mettre en avant les réalisations d'un ouvrier avec un tel bilan. Ensuite, historiquement, il y a eu un discrédit jeté sur le communisme après la fin de l'Union soviétique, et il a été victime d'une concurrence mémorielle du gaullisme, explique Emmanuel Defouloy. On a aussi voulu faire oublier le principe originel de la Sécurité sociale : donner la gestion aux premiers concernés. Enfin, Croizat est mort à 50 ans, il n'a pas écrit de mémoires et était très modeste. Pierre Laroque est mort à 90 ans, a donné des cours à Sciences Po, créé le comité d'histoire de la Sécurité sociale. Tout cela a contribué à forger une histoire institutionnelle qui lui donnait la part belle. » Pourtant, Pierre Caillaud-Croizat insiste : il ne faut pas opposer les deux hommes, qui ont travaillé ensemble malgré leurs différences : « Croizat a eu la chance d'avoir Laroque, grand spécialiste des questions sociales, et Laroque a eu conscience qu'avec Croizat ils allaient marquer l'histoire ! »
Quant à Emmanuel Defouloy, qui a lancé un financement participatif pour un projet de documentaire, il se désole :« C'est un immense paradoxe. La Sécu est l'une des institutions les plus importantes dans la vie des gens, et ils la connaissent très mal. » Le travail du biographe Michel Étiévent, le documentaire La Sociale de Gilles Perret (lire p. 78), le travail de la CGT métallurgie et de son IHS, ainsi que celui du petit-fils de l'ancien ministre ont contribué à faire entrer peu à peu Croizat dans les mémoires, hors des cercles sympathisants. Pierre Caillaud-Croizat s'est d'ailleurs ému de voir, dans les manifestations contre la « réforme » des retraites, des références à son aïeul. Alors, pour l'ancrer publiquement dans l'histoire officielle, il se prend à rêver d'une panthéonisation de cette figure ouvrière…

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