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INDUSTRIE

ArcelorMittal veut-il rester sur la Côte d’Opale ? Le doute grandit

13 octobre 2025 | Mise à jour le 13 octobre 2025
Par | Photo(s) : Sameer AL-DOUMY / AFP
ArcelorMittal veut-il rester sur la Côte d’Opale ? Le doute grandit

Les salariés d'ArcelorMittal lors de la manifestation du 1er mai 2025 à Dunkerque. Photo : Sameer AL-DOUMY / AFP

Le vice-président pour la prospérité et la stratégie industrielle de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, s'est rendu dans l'usine sidérurgique de Dunkerque, après l'annonce d'un plan de sauvegarde de l'acier européen. Il espérait convaincre le géant de l'acier de confirmer, enfin, des investissements sur son site nordiste. Mais le groupe ArcelorMittal demande davantage.

Aline vient de recevoir un recommandé du cabinet de ressources humaines LHH, mandaté par ArcelorMittal pour accompagner le plan de 636 licenciements annoncé fin avril 2025. Ce courrier évoque des possibilités de reclassement au sein du groupe. « Mon poste d'analyste développeur informatique fait partie de ceux qui seront supprimés », confie Aline , par ailleurs déléguée syndicale CGT. Ils sont plus de 200 à Dunkerque, sur 3 500 salariés dont 3 244 CDI, qui recevront une lettre de licenciement « juste avant Noël, pour les cadeaux », prédit Gaëtan Lecocq, secrétaire du syndicat CGT d'ArcelorMittal Dunkerque. Les secteurs dits « supports » sont ciblés en priorité : informatique, achats, chaîne logistique…

L’acier européen doit vivre

Alors, quand la CGT a appris, la veille, que Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, s'invitait vendredi 10 octobre à ArcelorMittal pour vanter le plan, annoncé trois jours plus tôt, « visant à protéger l'acier européen face aux pratiques commerciales déloyales et aux surcapacités mondiales », le syndicat a battu le rappel. Ils sont quelques dizaines ce vendredi midi, rassemblés dans le calme devant les bureaux de l'usine. Ils tiennent à croiser la délégation, qui comprend également le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand et le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete. Du beau monde qui déclenche immédiatement un dispositif policier disproportionné, empêchant tout échange entre les deux groupes.

« L'objectif de Mittal est de quitter le Vieux Continent, la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique. Il veut faire de l'acier en Inde et au Brésil, où il engrange 300 euros de bénéfices à la tonne, contre cinquante en Europe. » Gaëtan Lecocq, secrétaire de la CGT ArcelorMittal Dunkerque

La Commission européenne compte doubler les taxes sur l'importation d'acier en Europe, en les portant à 50%. « L'acier européen doit vivre. Nous nous alignons sur [les taxes pratiquées par] les Etats-Unis et le Canada », confie Stéphane Séjourné à la presse. « Mais derrière, il faut que les investissements se décident », lance-t-il aux dirigeants d'ArcelorMittal. Les salariés ont malheureusement de plus en plus de mal à y croire, depuis que la promesse d'un investissement à Dunkerque de 1,8 milliard d'euros (un haut-fourneau et deux fours électriques) pour produire de l'acier décarboné a été remisée au fond d'un tiroir. L'Etat s'était pourtant engagé à débourser 800 millions d'euros d'aides publiques. « L'objectif de Mittal est de quitter le Vieux Continent, la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique, assure Gaëtan Lecocq. Il veut faire de l'acier en Inde et au Brésil, où il engrange 300 euros de bénéfices à la tonne, contre cinquante en Europe. »

Stress institutionnalisé et démissions en hausse

La conférence de presse qui a conclu la journée n'a apporté aucune annonce de nature à rassurer sur la pérennité de l'usine de Dunkerque. Certes, Reiner Blaschek et Alain Le Grix de la Salle, respectivement vice-président d'ArcelorMittal Europe et président d'ArcelorMittal France, estiment que le plan européen va « dans le bon sens », mais également qu'« il reste beaucoup à faire pour obtenir des conditions équitables », face notamment à l'acier chinois. Ils réclament ainsi une réforme du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, condition qu'ils présentent comme indispensable pour que le projet de construction d'un four électrique à Dunkerque – estimé à, 1,2 milliard d'euros – « soit présenté au Comité de direction [d'ArcelorMittal] et on verra à ce moment la décision ».

« A chaque fois que l'Europe dit OK [à leurs demandes], ils poussent le curseur plus loin.» Ludovic Putter, secrétaire de la CGT d'ArcelorMittal Mardyck

« A chaque fois que l'Europe dit OK [à leurs demandes], ils poussent le curseur plus loin », commente Ludovic Putter, secrétaire du syndicat CGT de l'usine ArcelorMittal de Mardyck, voisine de celle de Dunkerque. Lors de la conférence de presse, ce flou a agacé, voire exaspéré Xavier Bertrand, Stéphane Séjourné et Patrice Vergriete, qui, contrairement à leurs espoirs, sont repartis sans aucun engagement de la part de l'industriel. Alain Le Grix de la Salle préfère insister sur les « plus de 500 millions d'euros » investis dans une ligne électrique de production de tôles à Mardyck. En oubliant de préciser qu'elle ne tourne toujours pas, alors qu'elle aurait dû démarrer en juin 2024. « Même sur cette ligne, on a des démissions », commente Ludovic Putter, pour illustrer la perte générale de confiance. Selon le bilan de septembre, le taux d'absentéisme, d'un peu moins de 5% dans l'usine dunkerquoise, a grimpé respectivement à 8% et 10% dans les services « achats » et « finance », qui sont au cœur du plan de licenciements. Si on y ajoute les incertitudes sur les investissements qui seront ou non réalisés, la militante cégétiste Aline, décrit une situation de « stress institutionnalisé » et d'« usure du personnel ». En septembre, l'usine a enregistré 88 démissions de salariés qui ont cherché et trouvé du boulot ailleurs. Du jamais vu, ici.