« Depuis ce matin, la fédération ne cesse de recevoir des appels de condoléances, rapporte Christian Mathorel, secrétaire général de la FAPT CGT. C'est une personnalité qui marque les générations, une camarade qui a fait avancer la lutte pour le droit des femmes et leur reconnaissance dans la CGT. Elle fait partie de l'histoire de notre fédération, mais aussi de son avenir… Camille a lutté toute sa vie autour de trois engagements ; la mémoire d'Oradour, la CGT et le Parti communiste. Elle était aussi investie pour la paix, témoignait régulièrement dans les écoles. Elle disait : « la lutte c'est la vie. » Elyane Bressol, a connu Camille aux PTT. Ancienne rédactrice en chef de la Vie Ouvrière, elle exprime aussi son émotion. Lors du centième anniversaire de Camille en juin dernier, Elyane lui avait rendu un hommage à la tribune du Congrès de l'union départementale CGT de la Haute-Vienne : « Camille, que ce soit en politique, en économie, en social, tu m'as beaucoup appris et je m'en suis beaucoup servi. Tu m'as donné les fondamentaux pour comprendre le capitalisme et la lutte des classes ; toutes ces bases sans lesquelles, aujourd'hui comme hier on perd vite pied ». Et de souligner à son tour à quel point son apport fut important pour les femmes et pour que les générations ne s'opposent pas dans les luttes à Paris Chèques.
En mémoire d'Oradour sur Glane
À 19 ans, Camille Senon échappe au massacre du 10 juin 1944 qui détruit Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) et fait 642 victimes, dont son père et son grand-père. Sa survie tient au fait que le tramway qui la conduisait au village fut stoppé par les troupes allemandes. Elle ne revendiquera jamais le terme de « rescapée », mais portera toute sa vie la responsabilité de témoigner.
À la Libération, elle entre aux PTT, aux Chèques postaux de Paris, et adhère à la CGT dès 1946. Très vite, elle prend des responsabilités au sein du syndicat des Chèques postaux, puis du syndicat des services financiers. Son action porte notamment sur la reconnaissance du travail féminin et l'amélioration des conditions de travail dans un secteur où les femmes étaient nombreuses mais souvent peu considérées. De 1960 à 1975, elle siège à la direction de la fédération CGT des PTT. Elle participe activement aux grandes mobilisations de son secteur : la grève des fonctionnaires de 1953, Mai 68, puis les mouvements de 1974.
Vigilance, toujours
Elle défend une ligne de fermeté, insistant sur la nécessité de préserver le statut des agents, de garantir le droit de grève et de renforcer la solidarité entre catégories.
Camille Senon s'est distinguée par sa constance. Même après sa retraite, elle continue de s'exprimer publiquement sur les enjeux sociaux. En 2016, elle refuse d'être faite commandeure de l'ordre national du Mérite par le premier ministre Manuel Valls, jugeant cette distinction incompatible avec la politique menée alors en matière de droit du travail. Elle déclarait encore récemment sa crainte de voir l'extrême droite accéder au pouvoir, considérant que cela représentait un « danger absolu ».
En parallèle de son activité syndicale, elle s'investit dans les associations de mémoire liées à Oradour et à la Résistance. Elle intervient régulièrement dans les écoles, rappelant que la mémoire n'est pas un rituel mais un appel à la vigilance face à la haine et aux idéologies autoritaires. Militante de terrain, responsable syndicale, témoin d'un drame collectif, elle laisse l'image d'une femme ferme dans ses convictions et fidèle à ses idéaux.