24 septembre 2021 | Mise à jour le 24 septembre 2021
Dans son dernier livre, Le bloc arc-en-ciel, Aurélie Trouvé se propose de donner à voir les stratégies possibles, avec des exemples factuels, français et étranger, pour le mouvement social et la gauche politique afin de redonner des perspectives de changement concret. Avec des leçons tirées de mobilisations nationales et mises en perspective de victoires locales, elle propose des objectifs et des leviers pour les atteindre…
Le livre débute par la présentation de la Rainbow alliance, un groupe créé aux États-Unis à Chicago. C'était la rencontre improbable entre les Black Panthers des organisations patriotes de blancs du sud et des groupes de jeunes latinos similaire aux Black Panthers, lancée par Fred Hampton leur leader local. À l'analyse du croisement de leurs difficultés devant l'emploi, les violences policières, le racisme… ces groupes à la composition presque antinomique s'étaient rassemblés pour travailler et mener des actions ensemble. Une descente de police avec tirs nourris tuera Hampton et mettra fin à l'expérience.
Il débute aussi par le constat, factuel, d'une gauche politique éclatée, qui n'attire plus les électrices et les électeurs, alors que, pendant ce temps, les actions du mouvement social sur des thèmes divers et variés démontrent une participation militante forte, notamment de la jeunesse.
Le constat d'une gauche politique émiettée
Un constat pourtant aussi contrasté par les manières qu'ont les différents pouvoirs d'y répondre depuis la dernière grosse victoire reconnue, celle du CPE en 2006. Entre surdité volontaire et envois des matraques, les débouchés concrets et positifs des mobilisations nationales restent maigres. Mais il faut reconnaitre aux mouvements pour le climat, l'environnement et la planète, à ceux sur le féminisme, dans la vague MeToo, comme à ceux sur les violences et les injustices policières d'avoir agrégé des générations diverses et des profils variés pour établir une pression médiatique intéressante. Et de déboucher sur des victoires, notamment dans les tribunaux, pour des questions locales souvent.
Mais les difficultés posées par les réponses policières aux mouvements de protestations, et à fortiori aux mouvements pacifiques de résistances citoyennes sont des obstacles majeurs à leur développement. Stratégie évidente pour les pouvoirs en place.
Quelle place des syndicats et associations historiques ?
Replaçant les grandes organisations syndicales ou environnementales, dans le cadre de ces mouvements « neufs », ou avec de nouvelles formes de mobilisation, Aurélie Trouvé affirme la nécessaire complémentarité de ces mouvements et de leurs modes d'organisation et d'actions.
Pas plus remise en cause des légitimités historiques et massives des syndicats ou des ONG environnementales historiques, le livre entend questionner les liaisons entre les acteurs du mouvement social.
Il replace l'agencement à trouver entre les petites associations, des luttes locales et des actions nationales multipolaires, comme la méthode à définir pour renforcer mutuellement des structures comme la CGT ou la FSU, Greenpeace ou Amnesty. Et contribuer à faire se développer les actions sur des thèmes sur lesquelles ces structures sont ou paraissent moins engagées, via les actions de mouvements moins massifs, mais plus « souples » dans leurs articulations.
L'arc-en-ciel, comme bloc de revendications politiques
Développant son argument du bloc arc-en-ciel, l'autrice redonne quelques exemples, entre un mouvement des enseignants aux USA qui élargit sa base de revendications, et la grève des femmes de chambre de l'Ibis Batignolles qui illustrent les difficultés croisées de femmes, noires, précaires, en sous-traitance à des postes déconsidérées par la direction.
Rassemblant les différentes revendications, mais en les fondant dans un même creuset, la démarche de transformation sociale n'en serait que plus assumée, parce que capable de rallier une multitude de groupes sociaux aux difficultés différentes, mais aux intérêts similaires. Sans nier les spécificités qui peuvent se faire jour dans chaque lutte menée par des associations, syndicats et groupes de citoyens, elle propose de repenser les distinctions, voire les hiérarchies, dans les motifs et les sujets des combats menés.
À l'image des alliances nouées entre les organisations évoquant la « fin du monde et (les) fins de mois » — démarche entamée depuis quelques années par la CGT avec des travaux et des revendications communes dans le « Plus jamais ça ! Construisons ensemble le jour d'après » — le livre suggère de lier d'autres thèmes majeurs. Ceux qui ont été le centre des discussions ces dernières années : féminisme, racisme, et démocratie, auxquels elle attribue une couleur de l'arc-en-ciel.
Aurélie Trouvé invite à revoir les stratégies des organisations et leur propension à se parler pour trouver des terrains communs, des thèmes collectifs, des revendications partagées et, peut-être au final, des luttes victorieuses générales. Elle propose quelques pistes de réflexion et des leviers qu'elle a identifiés afin que la « convergence des luttes » ne soit pas que déclamatoire et permette de changer le système.