La CGT poursuit sa campagne
Alors que le pays subit une vraie désindustrialisation, la CGT amplifie sa campagne pour une politique industrielle ambitieuse. Retour sur un débat. Lire la suite
Marie-Claire Cailletaud. Pour l'instant, on constate qu'il y a beaucoup de gesticulations et de communication, mais malheureusement peu de résultats. Or il faut trouver un débouché pour les salariés, mais aussi pour répondre aux besoins économiques du pays. Aujourd'hui, l'industrie est dans un état désastreux. Elle ne représente plus que 12 % du PIB en France, c'est-à-dire que son poids dans l’économie a été divisé par deux en vingt ans. Or, elle est de 16 % en moyenne dans la zone euro, et toujours de 24 % en l'Allemagne. Notre assise industrielle est donc insuffisante. Si on veut redresser l'économie, il faut absolument redresser Ford, Ascoval ou les Fonderies du Poitou. L'acier est à la base de l'industrie ; or Ascoval, par exemple, est une aciérie électrique d'un très haut niveau technologique. On en a besoin si on veut recycler notre ferraille au lieu de l'exporter. C'est bon pour l'économie, bon pour l'environnement, bon pour les emplois. Donc oui, il faut arriver à faire en sorte que ces industries restent sur le territoire national.
On constate beaucoup de communication pour peu de résultats. Par exemple, le 5 mars dernier, j'ai assisté à une réunion avec Bruno Le Maire et Philippe Darmayan, président de l'UIMM, le syndicat patronal de la métallurgie. Au nom de la CGT, j'ai interpellé le ministre sur Ascoval, ce à quoi il m'a répondu qu'il se battait matin, midi et soir pour Ascoval. Or, juste avant cette réunion, Philippe Darmayan avait donné une interview sur France Info disant qu'Ascoval n'avait plus de raison d'être…
On constate qu'il y a un discours du gouvernement qui dit que l'industrie a sa place pour redresser l'économie. Bruno Le Maire va même jusqu'à reprendre une expression de la CGT en affirmant qu'on ne construira pas l'industrie du futur sur les ruines de celle du passé. On ne peut que partager ce discours. Cependant, les mesures prises ne s'appuient pas sur le bon diagnostic. Si nous sommes d'accord sur l'état de l'industrie et la nécessité de réindustrialiser – ce qui d'ailleurs n'est pas forcément évident puisque d'aucuns sont pour une industrie sans usines –, nous ne partageons pas la même analyse sur les raisons de la désindustrialisation.
La CGT estime que c'est principalement la financiarisation de l'économie, et donc de l'industrie, qui a conduit à délocaliser la production dans les pays à bas coût de main-d'œuvre, moins regardants sur les questions environnementales. Cela a conduit à moins investir dans la matière centrale pour l'avenir de l'industrie : l'humain. C'est-à-dire la recherche, les qualifications, la formation et la transformation de l'appareil productif à l'aune des transformations numériques, économiques et énergétiques. Mais gouvernement et patronat situent, eux, les causes de la désindustrialisation dans la fiscalité et le « coût du travail ». Ce sont les salariés qui « coûteraient » trop cher. On craint que les mesures prises sur la base d’un tel diagnostic n'aillent pas dans le bon sens. D'ailleurs, s'il y a eu une légère reprise économique au dernier trimestre 2018, on constate que cela n'aura finalement contribué qu'à déséquilibrer encore plus notre balance commerciale. On a donc un problème avec les mesures prises aujourd'hui.
Nous pensons que l'industrie a un rôle à jouer dans l'économie et qu'il faut avoir une vision sur le long terme. L'industrie a pour caractéristique d'avoir besoin de long terme et d'investissements massifs. Cela s'oppose à la rentabilité à court terme à deux chiffres telle qu'elle est aujourd'hui à l'œuvre dans l'économie. Nous avons donc besoin d'un gouvernement qui ait cette vision. Laisser la main aux entreprises en décrétant que c'est le marché qui va tout réguler, on voit bien que ça ne fonctionne pas. Il faut donc une vision commune partagée, et un gouvernement qui impulse une stratégie. C'est pour cela que nous portons l'idée d'une programmation de politique industrielle qui allierait les questions de recherche, de formation et d'élévation des qualifications pour tous, de développement de services publics, d'aménagement du territoire et ce, alliée à une politique européenne industrielle qui fait cruellement défaut. Certains sujets doivent être traités au niveau européen. Par exemple le réseau à très haut débit, la recherche ou encore la protection de nos fleurons industriels qui, à l'image d'Alstom ou d'Airbus, sont attaqués par la justice extraterritoriale américaine.
La CGT développe une vision en termes de filières industrielles, mais qui se croise avec des projets portés sur des territoires. La réindustrialisation peut s'impulser dans ce cadre national par des projets en territoires construits avec les salariés et les citoyens, qui ont tout intérêt à cela. La crise sociale majeure inédite à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui prend ses racines dans la désindustrialisation du pays. Créer des lieux pour le développement de projets industriels en territoires avec l'ensemble de la population, des citoyens, des élus et des salariés serait l'un des éléments pour permettre la réindustrialisation du pays.