
Loi Duplomb : une censure en demi-teinte
Les membres de l’institution se sont appuyés sur la Charte de l’environnement pour censurer l’un des articles phares de la loi Duplomb qui prévoyait la réintroduction de... Lire la suite

Parmi les familles des collégiens et lycéens asphyxiés ces derniers mois, certains répètent le même refrain. « Ce n'est pas la première fois, c'est comme si nous étions habitués », explique Abdelwhab Dhahak père de cinq enfants et habitant de Chott Salem, le quartier limitrophe du groupe chimique tunisien. « Parfois quand on va sur le toit pour étendre le linge, on voit de loin les fumées et on respire une odeur putride, c'est devenu notre quotidien », dit-il. Dans son salon, l'un de ses enfants a fait un dessin où il a écrit « je suis malade » en arabe, un cri silencieux dans cette ville qui agonise depuis des années à cause de la pollution de cette industrie locale, autrefois fleuron de l'économie tunisienne : la transformation et l'exportation du phosphate. « Les infrastructures du groupe manquent d'entretien depuis des années ainsi que d'unités de lavage pour les gaz, c'est ce qui cause ces problèmes en continu », explique Khemais Bahri, ancien ingénieur du groupe dans les années 1990 et entrepreneur dans le secteur énergétique. En 2020, le syndicat de l'usine d'ammonitrate avait provisoirement arrêté ses activités de production en raison du manque d'entretien des unités, mais aussi d'un manque de matériel. « Cela fait deux ans que je travaille parfois sans l'équipement adéquat, on me dit qu'il n'y a plus le budget pour acheter du matériel », explique Chawki Lhoudi, manœuvre au sein du groupe depuis quatorze ans. Il n'est pas retourné travailler depuis les manifestations dans la ville qui ont commencé le 10 octobre après de nouveaux cas d'intoxications d'élèves aux alentours du groupe.
Les premiers avaient eu lieu début septembre, provoquant déjà la colère et l'indignation parmi les habitants. « On n'en peut plus, vraiment… Il n'y a pas une seule personne à Gabès qui n'a pas un membre de sa famille malade à cause de ce groupe. On ne cultive plus rien à cause de la pollution des sols, personne ne se baigne dans la mer à cause du phosphogypse [rejets de phosphate, NDLR] », ajoute Wahiba lors d'un rassemblement pacifique devant le siège du gouvernorat, le 17 octobre. Faute de chiffres officiels, il est difficile de connaître l'impact de la pollution sur la santé des habitants, beaucoup de médecins craignent aussi des représailles s'ils s'expriment ouvertement sur le sujet mais ils confirment l'augmentation des cancers, des maladies osseuses et de l'asthme ces trente dernières années. « Nos enfants naissent et grandissent dans la pollution avec des soucis respiratoires », s'indigne Abdelwahab. Les manifestants réclament le démantèlement du groupe chimique suite à un accord avec le gouvernement en 2017 qui avait promis de délocaliser les unités loin des zones résidentielles. Rien n'a été fait. «
« Pire, le gouvernement a annoncé la relance de la production en mars 2025 et vise à quintupler sa production d'ici 2030. C'est pour cela qu'aujourd'hui, nous maintenons nos revendications de démantèlement, il n'y a pas d'autre solution », commente Khayreddine Debbaya, l'un des porte-paroles du mouvement Stop Pollution, un groupe de militants écologistes à l'initiative des nombreuses manifestations dans la ville. Ils sont soutenus par le bureau Moyen-Orient de l'ONG Greenpeace qui suit la crise environnementale sur place depuis quatre ans. Elle qualifie le problème à Gabès de « question de justice climatique » dans un communiqué publié le 20 octobre, « qui affecte la vie des populations et leur droit à un air pur et à un environnement sain ». L'ordre régional des médecins de Gabès a publié un communiqué intimant les autorités à réagir face à la situation sanitaire, tandis que l'Ordre des avocats a promis de soutenir les plaintes des habitants dont les enfants ont été intoxiqués.
Aujourd'hui, les autorités tunisiennes veulent apaiser la situation malgré la grève générale régionale décrétée par le syndicat l'UGTT le 21 octobre. Le ministre de l'Équipement a présenté lundi au Parlement tunisien, un diagnostic de l'état d'entretien de l'usine parlant de six projets de maîtrise des émissions gazeuses qui n'ont pas été totalement terminés. Il a décrété des mesures urgentes pour les achever ainsi que la suspension momentanée du rejet du phosphogypse dans la mer de Gabès. Des mesures « urgentes » promises aussi par le président de la République Kaïs Saïed qui joue sur deux tableaux. Il soutient la population de Gabès et a parlé à plusieurs reprises, « d'assassinat écologique » et d'une « population sacrifiée » tout en fustigeant les « comploteurs » qui exploiteraient la situation à des fins politiques, une rhétorique qu'il favorise souvent dès qu'une crise éclate dans le pays.

Les membres de l’institution se sont appuyés sur la Charte de l’environnement pour censurer l’un des articles phares de la loi Duplomb qui prévoyait la réintroduction de... Lire la suite

L'eau, exposée à toutes sortes de pollutions, aux captations opérées à grande échelle au bénéfice d’intérêts privés et à l’avidité de multinationales qui veulent... Lire la suite