30 mai 2022 | Mise à jour le 30 mai 2022
Après l'implantation d'un premier syndicat dans l'un de ses entrepôts américains, d'autres pourraient suivre, c'est à une fronde internationale que doit faire face le géant américain. Désormais confronté à des stratégies syndicales qui dépassent les frontières.
« Nous voudrions avant tout remercier Jeff Bezos pour s'être envolé dans l'espace. Pendant qu'il était là haut, on engrangeait les signatures », déclarait en riant Chris Smalls, président de l'ALU, l'Amazon Labor Union, le 1er avril dernier. Blague potache pour l'April Fool's Day [le Poisson d'Avril américain, ndlr] ? Pas seulement, car ce 1er avril 2022 avait une saveur toute particulière, « historique » même. C'était en effet le jour de la reconnaissance officielle de son syndicat chez Amazon. Une première dans ce pays.
« Il n'y a pas de syndicat national ou de conventions collectives qui entraînent d'emblée un certain nombre de droits pour des organisations syndicales aux États-Unis », précise en effet Romain Descottes, conseiller confédéral à l'espace international de la CGT. « Cela se fait par entreprise et il faut avoir 51 % des votes pour pouvoir créer un syndicat. Ce qui fait qu'il n'y en a tout simplement pas dans un grand nombre d'entreprises. »
Syndicats non grata
C'est que, au pays de l'ultralibéralisme triomphant, le syndicalisme, on n'aime pas trop. Surtout, on n'hésite pas à le combattre avec l'appui de cabinets d'avocats spécialisés dans les législations du travail pour faciliter les choses. Sans oublier une surveillance de tous les instants des salariés, au prétexte des gains de temps, de productivité, voire des menaces plus ou moins voilées en cas de velléités revendicatrices. Le dirigeant de l'ALU en sait quelque chose, lui qui a été viré en 2020 de son entrepôt pour « violations du respect des distances physiques » pendant la Covid-19, en clair pour avoir organisé une manifestation.
C'est une forteresse anti syndicale qu'a donc brisée l'ALU. « Il y a un mouvement de fond qui est la résultante de la pression de plus en plus forte exercée par le capital depuis cinquante ans, de l'orientation “pro syndicale” du gouvernement Biden, par rapport à ce qui existait auparavant, lui-même poussé sur sa gauche par Bernie Sanders et les socialistes américains, mais aussi de l'arrivée d'une nouvelle génération de jeunes travailleurs qui peuvent avoir des pratiques plus radicales », explique Romain.
Cadences infernales
Un contexte politique favorable, auquel s'ajoute la réalité du terrain. En 2021, c'est en effet quelque 38 000 salariés d'Amazon qui ont été victimes d'accidents sur leur lieu de travail, 20 % de plus qu'en 2020, surtout, 49 % de tous les accidents dans les entrepôts américains. Un sur deux ! Un taux expliqué par « l'obsession d'Amazon pour la rapidité et la pression mises sur les salariés », dénoncent plusieurs syndicats américains. Cadences infernales à l'origine de conditions de travail tout aussi désastreuses. De quoi pousser les jeunes salariés à (re)découvrir le syndicalisme.
D'autant que la lutte des « Amazon » américains est désormais soutenue par leurs collègues européens, plus chanceux d'un point de vue syndical, certes, mais qui se heurtent néanmoins aux mêmes conditions de travail. Les grèves qui se succèdent en Allemagne, en France, la dernière en avril largement suivie dans les centres logistiques de l'Hexagone, en Italie, en Espagne, en Pologne depuis deux ans en témoignent.
Vers une mutualisation internationale des forces syndicales chez Amazon
« Il y a aujourd'hui une réunion, une mutualisation des forces syndicales chez Amazon au niveau européen et international », souligne Arnaud Boucheix, de la CGT Transport, qui confirme le fait que, en Europe aussi, « Amazon n'est pas une société qui porte un grand amour pour le syndicalisme et exerce des pression sur les salariés. Il y a du flicage pour savoir ce que les gens disent, qui va dans les réunions, dans les assemblées générales ». Une situation à laquelle les syndicats européens entendent désormais répondre de manière commune, et unie. « Une grande rencontre des syndicats européens d'Amazon est prévu à Bruxelles les 21 et 22 juin prochains. Ce sera une première ! », annonce déjà Arnaud. Une étape décisive dans l'internationalisation du syndicalisme.
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