Fichiers de police : en attente d’un jugement sur le fond
Le Conseil d’État a rejeté début janvier le recours en référé des organisations syndicales et du Gisti concernant la validité des trois décrets adoptés début décembre... Lire la suite
Sous un désagréable petit crachin, il distribue des flyers « Pour la liberté de manifester et contre la répression ». Il fait déjà nuit et il n'y a pas foule, le 22 janvier, fontaine Saint-Michel à Paris pour ce rassemblement citoyen initié à l'appel d'associations comme Attac ou Droit au logement, de syndicats et de partis politiques. Malgré les rangs dispersés, la motivation de Smaïl est intacte. « J'ai été de toutes les manifestations contre les lois travail, explique ce militant de la CGT culture qui travaille à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. J'y ai vécu les nasses des policiers. Se sentir coincé tout en étant aspergé de gaz lacrymogènes, c'est hyper-anxiogène. »
Dans le calme, les militants arrivés aux abords de l'Assemblée nationale, scandent au rythme des cuivres de la Fanfare invisible et à l'unisson : « On ne nous empêchera pas de manifester. » Dans l'Hémicycle, ce jour-là, la loi dite anticasseurs est en discussion… « Le gros risque, c'est la normalisation des violences policières parce qu'à terme c'est la casse des mouvements sociaux », craint plus que tout Smaïl. Des manifestations syndicales à celles des gilets jaunes, il pointe aussi un détail très révélateur : « Pendant la loi El Khomri, quand j'ai voulu quitter la manifestation, la police m'a dit : “OK, mais tu retires ton badge CGT”. Lors des manifestations gilets jaunes, j'ai vu des policiers exiger des gens qu'ils jettent leur gilet, comme un signe d'allégeance à un État qui ne veut pas voir d'opposition à sa politique », analyse le jeune bibliothécaire, lecteur assidu des travaux de Mathieu Rigouste, l'auteur de L'ennemi intérieur.
Qu'on assiste à une banalisation de cette violence policière, c'est aussi la crainte de Kévin Crépin, secrétaire général de l'union départementale de la Somme. Le responsable syndical témoigne de la « mésaventure » qui lui est arrivée lors d'une manifestation où gilets jaunes et syndicats marchaient de concert. « À Amiens, la répression policière a été d'une extrême violence. Le samedi 26 janvier, la CGT a appelé à une manifestation place de l'Hôtel-de-Ville. De leur côté, les gilets jaunes avaient prévu un rassemblement au même endroit. »
La suite du récit dépasse l'entendement. La préfecture de la Somme contacte le syndicaliste et lui explique que « pour des raisons de sécurité des manifestants de la CGT », un rassemblement au même endroit que les gilets jaunes est impossible. La demande est non seulement irrecevable mais carrément surréaliste à quelques heures du rendez-vous. Du coup, durant la manifestation, les pressions sont immédiates : sommation des RG puis de la préfecture pour que Kévin Crépin appelle en son nom à la dissolution immédiate de la manifestation CGT et gilets jaunes.
« La préf exigeait que l'on baisse les drapeaux, qu'on range les banderoles. C'était hallucinant. » Bien sûr, les syndicalistes refusent de céder et manifestent durant deux heures dans le calme. « Puis, reprend Kévin Crépin, un représentant du commissariat de police est venu me trouver directement dans la manifestation en me disant : “Vous avez reçu trois sommations, vous savez ce que ça signifie en droit.” Ils m'ont alors exfiltré de la manifestation, sous pression directe de la préfecture. Du jamais-vu », s'insurge le responsable syndical pour qui il faut remonter aux années 1980 pour retrouver de telles entraves à la liberté de manifester.
Et le secrétaire de l'UD 80 de conclure : « Plus que tout, ce qui marque la situation c'est le refus de voir l'unité de la CGT avec les gilets jaunes. Parce que ça, c'est la panique complète du gouvernement. »
J'ai une dent cassée, deux hématomes à la tête et une côte brisée. Dans le même temps, une personne à proximité a reçu un tir de Flash-Ball dans le bras et des coups de matraque et ce, alors même qu'elle était à terre les mains attachées au serre-clip. Ensuite, j'ai été embarqué et le policier auteur des coups m'a traité de “cassos” et de “consanguin” quand j'ai dit que je venais de Soissons. J'étais menotté, et répondre m'aurait valu d'autres coups.
Il y avait avec nous trois Roumains qu'ils frappaient dès qu'ils disaient un mot. Étant intérimaire, cette histoire m'a coûté trois semaines d'impossibilité de travailler. J'ai demandé à voir un médecin durant ma garde à vue et j'ai été conduit à l'hôpital, mais je n'ai eu aucun papier. Pour porter plainte, il va falloir que je les revoie. Au bout de douze heures, les policiers m'ont relâché car ils n'avaient rien contre moi. Il n'y a eu aucune casse dans la rue où je me trouvais, je n'avais ni cagoule ni masque. En fait, au moment de la dispersion, ils raflent tout le monde. »
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Des personnes interpelées lors de la manifestation du 12 décembre ont porté plainte contre le Préfet de police de Paris, Lallement. Lire la suite