9 décembre 2019 | Mise à jour le 9 décembre 2019
Alors qu'il doit convaincre les Français du bien fondé de son projet de réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye omet de signaler qu'il fraie avec les assureurs privés. Or, si les pensions de retraite diminuent, les assurances privées sont à l'affût pour récupérer le marché.
Il ne fait pas parler de lui uniquement en raison de la réforme qu'il porte, celle du système de retraites aujourd'hui solidaire, la plus contestée du moment. Si Jean-Paul Delevoye fait aujourd'hui le buzz sur les réseaux sociaux, c'est en raison d'un petit oubli : lors de sa déclaration d'intérêt à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) alors qu'il était nommé ministre délégué le 3 septembre, monsieur Delevoye a oublié de signaler ses liens avec le lobby de l'assurance.
Au nom d'une putative justice sociale
Jean-Paul Delevoye assumait en effet jusqu'à ce lundi 9 décembre un mandat d'administrateur de l'IFPASS, qui n'est autre que l'institut de formation des assureurs. Quel lien, avec la réforme des retraites ? En fait celle-ci vise à basculer d'un système solidaire vers un système à points, permettant aux assureurs de lorgner sur un marché porteur.
La précédente réforme des retraites, celle du président Nicolas Sarkozy était elle aussi convoitée par les assurances, dont Malakoff Mederic. Une compagnie dirigée par Guillaume Sarkozy, le frère de Nicolas.
Une vaine polémique selon l'intéressé
Pas de quoi fouetter un chat, s'est en substance défendu l'intéressé interrogé ce matin par les médias en annonçant sa démission. Non pas du ministère, mais de l'Ifpass… Et cela, en faisant valoir, tout à son flegme amnésique, cet autre point de détail : le mandat s'exerçait à titre bénévole.
Ouf, nous voilà soulagés d'apprendre que le lobbying pour l'Ifpass n'était pas rémunéré. Cela exclut-il qu'il agisse dans l'intérêt des assureurs ?
Les « Stylos Rouges de Rouen » s'en gaussent sur Twitter : « Bonjour, je suis Jean-Paul Delevoye. Je cumule mon salaire de ministre (10 k€/mois) et deux pensions de retraite (régime général et ancien élu) et j'ai “oublié” mes liens avec les assurances. Mais je vais vous expliquer pourquoi vous devrez vous serrer la ceinture à la retraite »…
La justice sociale pour prétexte
Le petit « oubli » fait en tout cas des vagues. Et pour cause : il révèle à ceux qui croyaient encore que la réforme aiderait à la justice sociale ce qui se joue réellement dans l'arrière-boutique.
Du reste, il suffit d'entendre les tombereaux de pubs déversées ces dernières semaines sur les ondes en faveur des assurances. Mais, par-delà l'oubli de Jean-Paul Delevoye, Emmanuel Macron n'a-t-il pas lui-même confondu sur BFM TV « capitalisation » et « répartition » ?