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LIBERTÉS SYNDICALES

Les attaques se multiplient

17 novembre 2025 | Mise à jour le 17 novembre 2025
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Les attaques se multiplient

Rassemblement de soutien à Kamel Brahmi. Saint-Denis. 11 juin 2024

Manifestations écolos, pour la défense des services publics, pour la fin de l'occupation de la Palestine, pour la régularisation de travailleurs sans papiers…Parce qu'ils ont osé contester des logiques capitalistes, quatre militants CGT sont traduits en justice ces trois prochaines semaines. Nouvelle étape dans la criminalisation de l'action syndicale.

Le 17 novembre 2025 au tribunal de Bobigny, Kamel Brahmi, secrétaire de l'Union Départementale (UD) de Seine-Saint-Denis (93) comparait pour outrage ; Le 2 décembre, au tribunal de Douai, Jean-Paul Delescault, secrétaire de l'UD du Nord (59) comparaitra pour apologie du terrorisme ; Le jour suivant au tribunal de Poitiers, ce sera au tour de David Bodin, secrétaire de l'UD des Deux-Sèvres (79) de se présenter à la barre pour organisation d'une manifestation interdite ; Le 11 décembre au tribunal de Rennes, Pierre Chapa, enseignant et militant syndical de la CGT Educ'Action, devra répondre de diffamation. Début 2026 devrait avoir lieu au tribunal de Paris l'audience de Gérard Ré, membre du bureau confédéral CGT chargé des libertés syndicales, également mis en examen pour diffamation… « Sepur, spécialisé dans le traitement des déchets a porté plainte contre moi pour avoir dénoncé, en 2023 lors d'un conflit survenu en région parisienne, l'exploitation par l'entreprise de travailleurs sans papiers, ce qui était pourtant notoirement connu », précise le syndicaliste.

Durcissement des rapports sociaux

Les poursuites en diffamation dont fait l'objet Pierre Chapa font, elles, suite à la dénonciation de la propagande d'une association proche de l'extrême-droite contre l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS). C'est également la diffamation qui pourrait viser Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, pour avoir qualifié les grands patrons français – Bernard Arnault en tête – de « rats qui quittent le navire », en janvier dernier sur le plateau de RTL. Indignée par l'attitude des grands patrons qui, non contents de supprimer des emplois en masse dans l'hexagone s'opposaient aux surtaxations envisagées par le gouvernement pour boucler le budget, elle les accusait de « couler le pays ». Judiciarisation systématique de la contestation ? Depuis 2023, date des mobilisations contre la réforme des retraites, la CGT estime à plus d'un millier le nombre de syndicalistes traduits en justice ou tombés sous le coup de sanctions disciplinaires dans les entreprises. « Et c'est une estimation basse, précise Gérard Ré, les procédures envers les militants syndicaux se multiplientOn assiste à un durcissement des rapports sociaux, on sent une forte volonté de l'administration d'imposer les logiques patronales et de bâillonner la contestation. »

Défense des services publics

Ainsi, ce 17 novembre à 12h30, la CGT appelle à la mobilisation devant le tribunal de Bobigny pour soutenir Kamel Brahmy, accusé d'outrage lors d'un rassemblement contre la fermeture de la clinique Vauban – et de sa maternité – à Livry Gargan. Alors que la CGT combat ce projet depuis plus d'un an et qu'elle porte un projet alternatif exposé à tous les interlocuteurs du dossier – Agences Régionales de Santé, conseil départemental, député local, etc. – ses représentants apprennent qu'ils ne sont pas conviés à la table ronde organisée par le maire pour présenter un projet de reprise. « Le jour où se décident les choses stratégiques, on apprend qu'on est écarté pour, de surcroît, discuter d'un projet de reprise par un opérateur privé et décrié, à savoir Orpéa devenu Emeis. Lequel ambitionne de construire une maison de repos. Bref, c'était un projet lucratif plus qu'un projet susceptible de répondre aux besoins d'un hôpital public pour le bassin de vie, s'étrangle le syndicaliste. On a essayé d'entrer dans la mairie pour faire du bruit dans le hall et on me reproche d'avoir forcé la porte et violenté un agent de la police municipale. » Résultat : il est emmené menotté et passera plusieurs heures en garde à vue. Un traitement particulier dans ce département très touché par le chômage et la précarité ? « Dans le 93, on est à l'image du reste de la France, répond Kamel Brahmi. Les syndicalistes qui luttent pour le bien commun, contre les fermetures d'usines ou pour la défense des services publics sont de plus en plus réprimés. Avant, il y avait une tolérance due à un autre climat politique ou à un autre rapport de force. Aujourd'hui, ça se raidit, l'administration s'attaque aux responsables pour décourager les mouvements de contestation. »

Organisation de manifestation interdite

C'est aussi le point de vue de David Bodin, secrétaire de l'UD des Deux-Sèvres convoqué devant le tribunal de Poitiers où il comparaitra pour organisation de manifestation interdite. Concrètement celle qui a eu lieu à Sainte-Soline le 29 octobre 2022 pour s'opposer à la privatisation de l'eau à travers la construction de megabassines. « Ce qui est inquiétant, c'est que je ne suis pas poursuivi pour des faits de violences, insultes ou dégradations qui pèsent sur le dos de beaucoup de militants dans la CGT, explique le syndicaliste. Je suis poursuivi pour organisation d'une manifestation interdite. Ces poursuites sont rendues possibles depuis la loi de sécurité globale d'Emmanuel Valls pour lutter contre le terrorisme et dont l'administration se sert aujourd'hui pour réprimer le mouvement militant ». De mémoire de Cégétiste, la dernière incrimination pour « organisation d'une manifestation interdite » remonte à l'occupation nazie. « C'est pour ça qu'on a fait appel de la condamnation en première instance, on ne pouvait pas laisser passer, détaille David Bodin. Nos manifestations sont interdites de plus en plus souvent par les préfectures et il y a aussi de plus en plus d'interdiction de matériel de sonorisation, de dispositifs pyrotechniques (…) Les mobilisations écologistes de 2022 contre le modèle industriel dominant ont été un tournant, la répression contre le droit de manifester augmente pour dissuader les familles d'y participer. » Pour rappel, cette série de manifestations a, pour l'heure, conduit la megabassine de Saint-Soline a être frappée d'illégalité.

Mobiliser pour lutter

Pour rendre visible et combattre la logique de criminalisation de l'action syndicale, la CGT lance des appels à la mobilisation lors de chaque procès. Le 2 décembre, jour de grève nationale interprofessionnelle, Gérard Ré, chargé des libertés syndicales et Laurent Brun, administrateur de la CGT, rejoindront la mobilisation en soutien à Jean-Paul Delescault à Douai. Le 3 décembre, un appel à la mobilisation est lancé par l'UD des Deux-Sèvres pour soutenir son secrétaire David Bodin devant le tribunal de Poitiers. L'Union Départementale d'Ille-et-Vilaine, la CGT Éduc'action, la FERC-CGT ont, elles, lancé une pétition en soutien à Pierre Chapa et appellent à la mobilisation devant le tribunal correctionnel de Rennes, le 11 décembre 2025.