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Éducation nationale

Les bahuts du 9-3 en galère d’assistantes sociales et d’infirmières

27 novembre 2025 | Mise à jour le 27 novembre 2025
Par | Photo(s) : Elsa Sabado
Les bahuts du 9-3 en galère d’assistantes sociales et d’infirmières

Des enseignants en grève en Seine-Saint-Denis pour alerter sur le manque d'infirmières et d'assistantes sociales. Romainville, 20 novembre 2025.

Ce jeudi 27 novembre 2025, les établissements scolaires de Seine-saint-Denis se mobilisent pour attirer l'attention sur la pénurie d'infirmières et d'assistantes sociales, dont les tâches glissent-et sont moins bien effectuées- sur le corps enseignant, face à un public particulièrement défavorisé. Ils demandent que les salaires du pôle médico-social soient augmentés.

Ce sont les actrices les plus discrètes des collèges et lycées. Mais leur absence peut gripper le fonctionnement de tout un établissement. Ce 27 novembre, quatre lycées sont en grève, et bon nombre d'établissements du 9-3 suspendront des banderoles sur leurs façades, pour alerter sur la pénurie d'assistantes sociales et d'infirmières scolaires qui sévit en Seine-saint-Denis. Fin septembre, la CGT Educ'action 93 a lancé un sondage sur les 165 établissements du département. Une cinquantaine a répondu et les résultats sont alarmants : une infirmière scolaire manque à l'appel dans plus de la moitié des établissements, et 24 postes d'assistante sociale ne sont pas pourvus.

Lanceuses d'alerte

Dans le département le plus pauvre du territoire métropolitain, les infirmières reçoivent les élèves malades, distribuent des protections hygiéniques, répondent aux problèmes des élèves qui commencent à avoir une vie sexuelle active. Elles organisent aussi l'aménagement de la scolarité pour les élèves en situation de handicap.« Une infirmière indique aux professeurs qu'untel a besoin de piqûres pour son diabète à telle et telle heure, qu'un autre, allergique à sa sueur, a le droit de se brumiser le corps, etc. Ce sont des confidentes pour les élèves, et elles nous donnent des billes pour mieux les comprendre », décrit Orlanne, secrétaire départementale de la CGT Educaction 93 et enseignante au lycée l'ENNA.

A Rimbaud, à La Courneuve,  « on a commencé à s'inquiéter au printemps dernier, quand l'assistante sociale a demandé sa mutation », rapporte Isabelle Ferrec, prof de math-physique. Le lycée reçoit le public le plus défavorisé de tout le département. « Dès la rentrée, cela a posé problème, car l'assistante sociale centralise et hiérarchise les situations des élèves pour leur attribuer le fonds social en toute confidentialité. Plus personne ne pouvait assurer ce rôle », décrit-elle. Puis les professeurs ont du faire face aux situations complexes qu'elle gérait jusque là : une élève menacée d'expulsion, qu'il a fallu convaincre de faire une demande d'internat, ou une autre, absentéiste parce qu'aidante de son père atteint de Parkinson. « L'assistante sociale aurait par exemple su mobiliser son réseau pour mettre en place des aides à domicile », déplore l'enseignante.

A qui les élèves peuvent-ils confier leurs problèmes financiers ? Qu'elles se sont aperçues de leur grossesse ? Qu'il ou elles se sont fait mettre dehors de chez leur parents et n'ont pas de toit ? « L'assistante sociale disposait de liens avec les partenaires : elle était toujours la première à savoir quand il y avait une menace de rixes. Elle était aussi mise au courant des phénomènes de prostitution. C'était elle qui prenait en charge les élèves qui commençaient à décrocher, ou donnait des réponses à des parents dans le désarroi. Elle pouvait diligenter des enquêtes à domicile en cas de soupçon de violences intra-familiales », poursuit Isabelle. Elle craint que les élèves perdent le réflexe de mobiliser cette ressource de l'établissement. Mais aussi la souffrance psychologique des enseignants face à la violence des situations rencontrées.

« On craque »

Les enseignants du lycée Liberté, à Romainville, se sont mis en grève à 98 % le 20 novembre, quand les personnels de direction ont déclaré qu'ils ne parvenaient plus à absorber ces problèmes. Le lycée n'a plus de pôle médico-social depuis 18 mois, et le proviseur adjoint qui aidait à pallier ce problème est parti, sans être remplacé, en septembre. « C'est nous qui devons appeler les clubs de foot pour savoir s'ils connaissent des gens qui peuvent héberger quand un élève se retrouve sans toit, qui accompagnons une élève placée parce que victime de violences intra-familiale au commissariat pour attendre avec elle jusqu'à deux heures du matin qu'elle ait une place en foyer d'urgence. Vendredi encore, une élève a fait une tentative de suicide au lycée, il a fallu trouver des interprètes pour expliquer la situation à ses parents… On se retrouve à être le seul lien entre l'établissement et les familles », explique Sylvain, prof d'éco-gestion depuis dix ans à Liberté.

Les enseignants du lycée professionnel de Romainville et de la Courneuve ont été reçus par le rectorat, comme beaucoup d'autres de l'académie, et se sont tous entendus dire qu'ils étaient prioritaires. « Et qu'ils pensaient à nous tous les jours. Mais nous, on craque », indique Sylvain. Le rectorat, lui même en déficit de personnel, fait face à un problème de recrutement, car jusqu'à récemment, les grilles salariales étaient moins bonnes à Bobigny qu'à Paris.  « Au rectorat, on nous a dit : si vous avez des amis qui ont le profil, qu'ils déposent leur CV sur notre plateforme Virtuo », désespère Isabelle. « L’académie de Créteil vient juste d’aligner sa grille de rémunération sur celle de Paris et il y a une hausse des candidatures. Cela confirme que les conditions de travail et la rémunération sont deux vecteurs importants alors que l’académie se borne à dire qu’il n’y a pas de candidats comme si c’était une fatalité », souligne Aurélien, de Sud Education 93.  Si les enseignants ont gardé certains réflexes de leur lutte pour un plan d'urgence pour le 93, en 2024 : « Il n'est pas question qu'on se dépouille les uns les autres », souligne Sylvain. Après le 27 novembre, les enseignants de Seine-Saint-Denis rejoindront les AESH lors de leur mobilisation nationale le 2 décembre prochain.