20 mars 2023 | Mise à jour le 20 mars 2023
Ce lundi 20 mars, de nombreux enseignants étaient en grève pour s’opposer à la réforme des retraites et au passage en force du gouvernement avec l’article 49-3. Un mouvement hautement symbolique en cette première journée des épreuves de spécialité du baccalauréat, qui se tiennent désormais en mars depuis la réforme de 2019 portée par Jean-Michel Blanquer. Reportage à Evry.
« C’est très rare que les enseignants fassent la grève de la surveillance un jour de bac, pour nous c’est une décision très dure. » Pourtant, à l’instar de Léon Caquan, professeur de SES dans l’Essone et militant de la CGT Éduc’action, de très nombreux enseignants se sont mis en grève aujourd’hui pour protester contre la réforme des retraites et ont refusé de surveiller les épreuves anticipées du baccalauréat. À Evry, les enseignants grévistes se sont rassemblés devant le Lycée polyvalent du Parc des Loges. Prévus mercredi dernier par l’intersyndicale éducation de l’Essone, l’évènement ne devait initialement rassembler que quelques grévistes. Mais le 49-3 a mis le feu aux poudres. Devant les grilles de l’établissement, près de 200 professeurs issus de huit établissements du 91 ont fait le déplacement. « Je me dis que l’on n’est plus en démocratie » souffle Claire Dubois, enseignante de physique-chimie au collège des Sablons à Viry-Châtillon. Comme nombre de ses collègues, elle a participé à presque toutes les mobilisations, fait grève, en vain. Si elle est présente à nouveau aujourd’hui, c’est en raison d’un « sentiment de trop plein » : « On nous demande d’en faire toujours plus avec moins de moyens. À un moment, notre métier n’a plus de sens. »
Parmi la foule réunie ce lundi devant le Lycée du Parc des Loges les enseignants sont majoritaires, mais on compte aussi des boulangers, des agents de collectivités territoriales, ou encore des personnels administratifs. Adrien Barrosso, lui, est professeur de mathématiques à la faculté d’Evry et militant chez Solidaires. Ce dernier n’a pas été surpris par le 49-3 : « Notre gouvernement n’a vraiment pas de respect pour les valeurs démocratiques. Au moins, notre mobilisation a permis de montrer que le gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée.» Les enseignants de l’Essonne étaient loin d’être les seuls en grève aujourd’hui. Dans l’académie de Paris, 80 % des lycées ont été touchés par le mouvement de ce lundi. Douze piquets de grève se sont tenus devant les établissements de la capitale mais à Paris comme ici, les épreuves du baccalauréat n’ont pas été annulées. Dans l’académie de Créteil, on dénombre 14 piquets de grève.
Un bac vidé de sa substance
Depuis la réforme du baccalauréat voulue par l’ancien ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, les épreuves de spécialité du baccalauréat sont évaluées en contrôle continu et doivent se tenir en mars. Ces dernières comptent pour 30 % de la note finale. Covid oblige, les deux dernières années, cette réforme n’avait pas pu être effective. C’est donc la première fois que les épreuves se tiennent en mars, au grand dam des syndicats enseignants. « Ce bac n’a plus aucun sens, explique Léon Caquan. En mars, les élèves ne sont pas prêts, ils n’ont pas le recul intellectuel nécessaire pour faire une rédaction. En plus, le bac en mars favorise l’absentéisme une fois les examens passés. Avancer les épreuves du bac permet simplement d’avoir des notes pour la sélection sur Parcoursup. » « Avec les épreuves de spécialité en contrôle continu, le Bac Blanquer créé une inégalité entre les élèves selon l’établissement d’obtention du diplôme, explique Basile Ackermann, secrétaire général de la CGT Éduc’action du 93. Cette réforme représente un vrai coût pour les élèves issus des quartiers populaires. »
« Ce baccalauréat on le déteste tous ! scande au micro Benoît, enseignant au Lycée Doisneau sous les applaudissements des manifestants. Il faut que l’on reste déterminés et que l’on soit encore plus nombreux jeudi ! » Après plusieurs prises de parole au micro, les manifestants décident finalement de se rendre devant la Préfecture de l’Essone et improvisent un cortège dans les rues d’Evry. Benoît, enseignant et militant chevronné de la CGT Éduc’action veut croire que l’attitude arrogante du gouvernement joue en faveur du mouvement social : « À l’image de nombreux établissements, il y a eu beaucoup de grévistes dans notre lycée pour les journées nationales de mobilisation, mais nous avons eu du mal à nous organiser. Ce qui nous a permis de nous remettre en selle, c’est l’indignation provoquée par le 49-3. » La grève de la surveillance du bac doit se poursuivre demain pour de nombreux enseignants. D’autant que la motion de censure déposée par le député Charles de Courson n’a pas été votée par les députés.