31 août 2018 | Mise à jour le 18 juillet 2018
Ils sont toujours une idée neuve pour la CGT qui combat leur privatisation et fait de leur reconquête un axe fort de son action. À quelques jours du Forum social 2018, où les services publics tiendront le haut du pavé, retour sur le dossier paru dans Ensemble en juin dernier.
Le très libéral président de l'AITA (Association internationale du transport aérien), Alexandre de Juniac, l'assure : « Franchement, aucune privatisation d'aéroports ne s'est déroulée de façon satisfaisante. À l'inverse, les meilleurs aéroports sont tous publics. » Une mise en garde contre la tentation de privatiser le Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris), dont l'État est actionnaire à hauteur de 50,6 %. « La privatisation d'ADP, stratégique pour l'intérêt national, serait néfaste pour les investissements, sacrifiés sur l'autel de la rentabilité, alors que le trafic est censé doubler d'ici 2030. Elle ferait peser des risques sur la sûreté et l'environnement. Un opérateur privé pourrait demander la fin du couvre-feu sur Orly, par exemple », s'alarme Daniel Bertone, secrétaire général de la CGT-ADP. Une dilapidation d'un bien commun périlleuse sur le plan stratégique, économique, social et environnemental, donc. Et l'État ne s'arrête pas là. Selon la commission d'enquête parlementaire sur Alstom, il se préparerait à vendre 25 des 81 participations qu'il détient. Il envisage en outre de se désengager d'Engie, de la Française des jeux…
« Ces privatisations, contre-productives pour l'intérêt général, sont un cadeau au capitalisme financier qui va récupérer des mannes juteuses. L'État va se priver à long terme de recettes régulières », s'insurge Christophe Ramaux, enseignant à la Sorbonne et économiste atterré. Le gouvernement Macron marche dans les pas de ses prédécesseurs qui, depuis trente ans, ont multiplié les cessions d'entreprises publiques. Pour un bilan… calamiteux. « Cela a détruit des filières industrielles, en a insécurisé d'autres », ajoute Christophe Ramaux. Un constat qu'illustre Christian Mathorel, secrétaire général de la Fapt-CGT : « La privatisation des télécoms a laminé les équipementiers européens tels que Thomson, Alcatel ou la Sagem. »
Par ailleurs, les investissements sont souvent réduits pour répondre à une logique de rentabilité à court terme. « La France était le premier pays au monde dans les années 1990 en termes de couverture haut débit, grâce à la qualité du réseau construit par la puissance publique. Aujourd'hui, nous sommes au 44e rang pour la couverture en très haut débit », se désole Christian Mathorel. Les usagers sortent-ils gagnants de cette vaste braderie ? « Les tarifs du gaz ont augmenté de 75 % depuis 2005 ; 95 % des interventions en cas de fuite se font dans l'heure… nous le faisions dans la demi-heure », rappelle Éric Buttazzoni, de la CGT Engie. À La Poste, le prix du timbre augmente, mais le courrier est plus souvent distribué à J +3 qu'à J +1 et des services gratuits deviennent payants. En outre, les bureaux ferment, comme les agences EDF ou les centres des impôts. La désertification progresse inexorablement, à la campagne comme en banlieue.
La libéralisation des marchés stimule-t-elle au moins l'emploi ? La Poste compte environ 215 000 salariés, contre 280 000 en 2000 ; chez Orange (ex-France Télécom), 54 484 postes se sont volatilisés entre 2000 et 2016. Face à cette lame de fond, « nous avons besoin d'un printemps des services publics », estime Christophe Ramaux. L'appel de l'économiste fait écho à la campagne en faveur des services publics de la CGT qui, par exemple, prône une étatisation de l'énergie afin de mieux lutter contre la précarité énergétique et le réchauffement climatique. Pour contrer les velléités de cession des barrages hydrauliques d'EDF, la CGT vante aussi la notion de services d'intérêt général, reconnue par Bruxelles… Pas du goût des apôtres de la « start-up nation ».
1986-1988 Vente des « bijoux de famille », essentiellement des géants de l'industrie et de la finance, comme Saint-Gobain, Paribas, Suez ou TF1.
1988-1992 Politique du « ni-ni » (ni privatisation ni nationalisation). L'État continue toutefois de se désengager du capital d'entreprises comme le Crédit local de France ou Renault.
1993-1995 Le gouvernement Balladur privatise à tout-va. Cette fois c'est au tour de Total, d'Elf Aquitaine, de la Seita…
1997-2002 Le Premier ministre Lionel Jospin privatise France Télécom, Air France, Thomson, EADS. Les autoroutes commencent à être concédées au privé, au moment précis où elles deviennent rentables…
Paru dans Ensemble numéro 109, juin 2018