À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Métiers de la mer

Mer et littoral : y vivre, y travailler

27 décembre 2018 | Mise à jour le 16 mars 2019
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Mer et littoral : y vivre, y travailler

Le 15 novembre 2018, la CGT organisait à Brest les Assises sociales et environnementales de la mer et du littoral. En jeu : le développement économique des zones côtières et de la mer dans le respect de l'environnement et des droits sociaux. Plein phare sur une journée de rencontres pour un développement maritime humain et durable.

« On ne peut plus continuer à tirer profit de la mer, des travailleurs maritimes, de l'ensemble des activités liées à la mer, en s'exonérant de critères sociaux et environnementaux conséquents. » Ce jeudi 15 novembre 2018, Thierry ­Gourlay, secrétaire régional de la CGT ­Bretagne, introduisait ainsi les Assises sociales et environnementales de la mer et du littoral, organisées par la confédération, à Brest, sur le site d'Océanopolis, un parc de découverte des océans.

Une journée de débats et de réflexion à laquelle Philippe Martinez a apporté son concours, pour élaborer, à quelques mois du 52e congrès confédéral, une plateforme revendicative commune autour des enjeux liés à la mer. Car pour la CGT, le développement industriel, la défense de l'emploi et du droit du travail et la préservation des écosystèmes, indissociablement liés, supposent l'intervention des salariés et de leurs organisations syndicales.

Un enjeu mondial

« Les océans, rappelle Guy Jourden, président du Conseil de développement de la métropole et du pays de Brest, représentent 70 % de la surface du globe. » Deux tiers de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes. La France est particulièrement concernée avec les quatre façades maritimes de l'Hexagone (Manche-Est et mer du Nord, Nord-Atlantique et Manche-Ouest, Sud-Atlantique­, Méditerranée).

En comptant les Outre-mer, elle représente même le second territoire maritime au monde. En métropole, 460 000 emplois directs sont liés aux activités maritimes, dont 95 % se font sur terre. La mer, rappellent plusieurs intervenants, c'est aussi la voie de passage de centaines de milliers de migrants dans le monde en quête de survie, de sécurité écologique ou économique, et nombre d'entre eux y périssent faute d'un accueil digne du XXIe siècle.

La mer, cible du capitalisme débridé

Or, « la mer, ses activités et ses travailleurs sont aussi la cible du capitalisme débridé qui entend en faire ce qu'il a fait de la terre », insiste Thierry Gourlay. La mise en concurrence des salariés à l'échelle internationale génère un dumping social toujours plus poussé et, d'ores et déjà, la sur­exploitation des ressources menace l'avenir même de la planète, dénonce-t-il.

Tout comme les marées noires dues à certains pétroliers, le danger d'avaries des superconteneurs et la perte de certains conteneurs, la surpêche industrielle, les bateaux épaves, la pollution tellurique… Un contexte qui impose l'intervention du mouvement syndical pour exiger d'autres choix. De ce point de vue, les intervenants ont regretté que les « Assises de l'économie de la mer et du littoral » organisées à Brest fin novembre par deux journaux (Ouest-France et Le Marin), réunissent employeurs ou acteurs politiques sans inviter les organisations syndicales de salariés.

Reconquête industrielle et développement humain durable

Pêche, activités des ports et docks, tourisme, métallurgie, industrie navale, défense, recherche, enseignement, transports, énergie, services publics… la mer et le littoral peuvent être à l'origine d'emplois nombreux, sans opposer métiers traditionnels et filières nouvelles, comme le souligne Philippe Martinez. Ce, dès lors que leur organisation articule respect des écosystèmes et droits des salariés. C'est dans ce cadre, rappelle Nadia Salhi (copilote du collectif confédéral « développement industriel et développement humain durable ») que les assises se voulaient aussi une contribution à la campagne confédérale de reconquête de l'industrie. Ainsi d'une filière de déconstruction des navires civils et militaires en fin de vie (démantèlement, dépollution, recyclage) en France et en Europe, pour laquelle la CGT milite depuis plusieurs années.

L'importance de sa façade maritime confère au pays des responsabilités particulières pour mettre en place une telle filière, susceptible de générer des milliers d'emplois qualifiés. Le travail déterminé de la confédération a déjà permis d'intéresser de grosses entreprises, mais une véritable stratégie nationale suppose une intervention forte de l'État.

Réparation navale rabougrie et politique énergétique en retard

Mêmes constats pour la construction et la réparation navales dont les entreprises connaissent, comme le souligne Roland, militant de l'arsenal de Brest, un « rabougrissement industriel ». Pourtant, alors que des entreprises (comme Naval Group) rétrécissent le champ des activités à la réparation, les besoins sont importants pour renouveler la flotte, construire des nouveaux pétroliers ou des navires pour le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), ou encore d'autres bâtiments qui ne soient pas des géants des mers polluants.

La CGT de l'arsenal comme celle de Naval Group pose en même temps des questions éthiques. D'abord quant à l'exportation de navires militaires (entre autres) à des États dont les gouvernements ne font pas de la démocratie la pierre angulaire de leur politique, comme l'Arabie saoudite ou l'Égypte. Ensuite quant à la mise en place de sociétés communes avec des pays, comme l'Inde, qui n'ont pas ratifié plusieurs conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), par exemple sur le travail des enfants.

En matière d'énergie, la CGT milite aussi pour que la France rattrape plusieurs décennies de retard dans la recherche, la construction et la maintenance de ce qui relève des énergies maritimes renouvelables, une filière à bâtir, susceptible de favoriser le mix énergétique (voir page 29). De tels développements obligent à réfléchir aux investissements nécessaires en matière de capacité de stockage dans les arrière-pays, et de transports pour favoriser le multimodal et privilégier les circuits courts. Ils supposent aussi des services publics de qualité. Et, comme le rappelle Anne-Véronique Roudaut (secrétaire générale de l'UD du Finistère) la CGT brestoise dénonce l'aberration qu'a constituée, par exemple, la fermeture du bureau de poste du port…

Emplois qualifiés et droits sociaux

La question de la formation initiale et continue est elle aussi à l'ordre du jour. Plusieurs intervenants le constatent : les employeurs prennent prétexte du manque de main-d'œuvre qualifiée pour faire appel à des travailleurs détachés au prix du dumping social et au détriment des droits des salariés, des conventions collectives, de l'égalité des droits.

Deux revendications se font jour. Celle du développement de la formation professionnelle, du CAP jusqu'au niveau ingénieur au moins, dans tous les métiers maritimes. Or, le nombre de lycées professionnels spécialisés, par exemple, s'avère insuffisant et les formations qu'ils dispensent peuvent devenir obsolètes si les jeunes qui en sortent ne trouvent pas rapidement un emploi. À Marseille, la CGT s'est investie pour proposer des formations spécifiques aux métiers de la navale. « Il s'agit de contribuer à donner des perspectives d'emplois qualifiés aux jeunes de la ville, de la Castellane par exemple », plaide un militant marseillais.

La CGT s'est aussi prononcée pour que le nouveau campus national des métiers de la navale se concrétise par de réelles formations destinées à créer des emplois et renforcer les qualifications.

Autre revendication : les employeurs ne peuvent se décharger de leurs responsabilités en la matière en assignant à l'Éducation nationale le rôle de former des jeunes ou des salariés aux besoins spécifiques des entreprises à tel ou tel moment.

Mais les métiers de la mer connaissent aussi un déficit d'attractivité du fait de leurs faibles rémunérations – ce qui renforce la revendication d'un Smic à 1 800 euros –, du manque de reconnaissance des qualifications, et des conditions de travail des salariés parfois désastreuses, notamment en ce qui concerne leur santé.

De ce point de vue, pour les gens de mer, la lutte contre les pavillons de complaisance apparaît urgente et met en jeu la responsabilité sociale et environnementale des multinationales du commerce maritime et des armateurs. La ratification par la France (en 2013) de la convention maritime de l'OIT est un point d'appui pour lutter contre le dumping social et obtenir le respect de conditions de travail dignes pour les marins. Là encore, cela suppose de donner aux services publics de contrôle en mer les moyens de leurs missions.

À cela s'ajoute la dramatique question de l'amiante pour tous ceux qui travaillent ou ont travaillé en mer ou dans la réparation navale. Le 25 septembre dernier, les salariés des entreprises portuaires de Brest, de Dunkerque, de Marseille­… se mobilisaient à l'appel des syndicats CGT à la fois pour la prévention et pour les droits de ceux qui ont été exposés à l'amiante, ainsi que pour les droits des veuves des marins morts prématurément. La bataille est loin d'être terminée.

Ces assises ont marqué une étape pour la confédéralisation à la fois des constats et des propositions syndicales pour un développement harmonieux de la mer et du littoral. Il mérite une suite, souligne Isabelle Robert (animatrice du collectif de travail confédéral). D'une part, pour renforcer les coopérations syndicales entre professions et régions et en donnant toute leur place aux syndicats d'Outre-mer qui doivent avoir la possibilité de s'exprimer. D'autre part, comme le rappelle Philippe Martinez, en poursuivant ce travail dans les syndicats, avec les salariés eux-mêmes.