Nationalisation : combien ça coûte ?

Le 12 avril dernier, le Parlement britannique créait la surprise en votant la prise de contrôle par le gouvernement des deux derniers hauts-fourneaux du pays. Afin d'éviter les plans sociaux, revendiquer la nationalisation n'est pas forcément l'option la plus coûteuse pour les finances publiques.
Menacés de fermeture imminente par le propriétaire chinois Jingye, les hauts-fourneaux de British Steels se sont vus pris de contrôle par le Royaume-Uni. Ainsi, le gouvernement travailliste évite le licenciement de 2 700 salariés et le pays conserve sa production d'acier brut, stratégique pour toute son industrie.
En février 2024, le gouvernement italien a également mis sous tutelle l'une des plus importantes aciéries du pays, propriété d'ArcelorMittal. Le site, qui rencontrait de graves problèmes de liquidité, échappe de peu à la fermeture et des centaines d'emplois sont sauvées.
En France, rien de comparable. « Je ne vais pas nationaliser ArcelorMittal, parce que ce serait dépenser des milliards d'euros. » Interpellé par Sophie Binet lors du débat télévisé du 13 mai dernier sur le plan de licenciement prévu par le géant de l'acier dans l'Hexagone, le chef de l'État a écarté cette option. Motif : elle représenterait un coût excessif pour les finances publiques.
Nationalisation, des milliards, vraiment ?
Dans un rapport Nationaliser les sites français d'ArcelorMittal, l'économiste Thomas Dallery, avec la CGT ArcelorMittal Dunkerque, a chiffré le coût d'une telle opération. « On estime possible d'acheter la quarantaine de sites français d'ArcelorMittal pour un à deux milliards d'euros », déroule-t-il. Selon les rapports d'activité de la multinationale, l'ensemble des outils de production d'ArcelorMittal en France s'évalue à quatre milliards de dollars. « Ce montant doit être revu à la baisse au regard de la vétusté des infrastructures, faute d'investissement depuis des années », précise le chercheur.
Deuxième moyen d'estimation : se fonder sur la capitalisation boursière du groupe. Mondialement, ArcelorMittal représente 20 milliards d'euros mais, en France, il réalise moins de profits qu'ailleurs, entre 5 % à 10 % seulement. Soit un à deux milliards. « Il faut prendre l'entreprise à son propre piège : elle utilise des techniques de fraude fiscale très agressives afin de réduire la base de profit localisée en France. Si on veut racheter des sites, on va donc les racheter en fonction de leur profitabilité, à moindre coût. » Nationaliser les sites français d'ArcelorMittal ne coûterait donc pas les milliards d'euros avancés par le chef de l'État.
En cas d'inaction des pouvoirs publics, en revanche, l'addition serait salée. « Si le désengagement d'ArcelorMittal en France se poursuit, nous pourrions aboutir à une fermeture de tous les sites français », déclare le chercheur. En ajoutant les emplois directs, indirects et induits, compter 84 000 suppressions d'emplois. Multiplier ce volume d'emplois par l'allocation chômage mensuelle moyenne (1 320 euros) durant un an, on obtient un coût d'1,3 milliard d'euros.
Il faudrait y ajouter le coût de la dépollution des différents sites, le basculement vers d'autres dispositifs d'assistance, les impôts sur les sociétés non reçus, les cotisations sociales non versées… Autant de dépenses qui font relativiser le coût de la nationalisation.