La Turquie a déclaré la guerre aux Kurdes de Syrie
Après le retrait des troupes américaines de Syrie, la Turquie a immédiatement déclaré la guerre contre les forces kurdes du nord du pays, contraintes de s’allier à... Lire la suite
« C'est l'enfer ». C'est ainsi que l'organisation des secouristes des Casques blancs, qui opère dans les quartiers d'Alep-Est, qualifie ce qu'est devenue la situation dans cette partie de la ville soumise depuis mi-novembre au déluge de bombes du régime syrien et de son allié russe. Des rues jonchées de cadavres, un pilonnage permanent et « d'une intensité inouïe », des mourants sous les décombres…
Plus de 300 morts, parmi lesquels des enfants. D'autres, dont plusieurs centaines d'enfants, malades ou blessés agonisent sous les regards impuissants de leurs familles ou des médecins encore en vie qui n'ont plus rien pour les soigner dans les ruines des hôpitaux. Plusieurs dizaines de milliers de civils ont réussi à fuir, mais quelque 100.000 restent pris au piège de ce feu incessant, des pénuries de vivres, d'eau, de médicaments, de tout. A l'issue de trois semaines de ce déferlement de mort, et après que Moscou et Pékin ont opposé au conseil de sécurité des Nations unies leur véto à tout projet de trêve, les forces russes devaient enfin laisser passer mercredi 14 décembre ceux des civils qui souhaitaient quitter ce véritable cimetière urbain. Sans garantie sur leur destination. Car une partie de ceux qui sont parvenus à partir est morte, assassinée et souvent torturée par les forces loyalistes ou leurs milices.
Bachar Al Assad ne cesse d'affirmer qu'Alep-Est est aux mains des terroristes, des jihadistes de l'Organisation de l'État islamiste (OEI, c'est-à-dire Daech). Pur mensonge : les forces dites rebelles qui y résistent encore sont précisément celles qui y ont vaincu l'OEI en 2014, contraignant alors ses forces à évacuer Alep. Et c'est précisément cela, que redoute le régime : une victoire ou des avancées des forces, armées, qui luttent à la fois contre lui et contre Daech.
Depuis le début du soulèvement populaire syrien, en 2011, dans la foulée des soulèvements des peuples arabes contre des dictateurs prédateurs et criminels, Bachar Al Assad a tout fait pour l'écraser, mais aussi pour le contraindre à se militariser et ainsi tenter de le délégitimer. On se souvient qu'en ce début 2011, tous les vendredis, les foules manifestaient contre le régime, là comme en Tunisie ou en Égypte ou au Yémen…. Manifestations unies dans la diversité des confessions (ou des non-confessions…), populaires, pacifistes. D'entrée de jeu, la répression a été massive. Bombardements, enlèvements, tortures… Jusqu'aux bombardements chimiques de 2013… En bientôt six ans, plusieurs centaines de milliers de Syriens – et de réfugiés palestiniens – sont morts. Des millions ont dû fuir. Nombre de militaires, et même de haut rang, ont déserté pour créer l'Armée syrienne libre (ASL). Une militarisation marginalisant nécessairement les forces civiles des organisations démocratiques. Lesquelles témoignent aussi de la façon dont le pouvoir a ouvert les portes des prisons aux pires criminels pour pourchasser les militants.
L'OEI (Daech), elle, entrant sur le territoire syrien depuis l'Irak (un pays ravagé, détruit, divisé, par la guerre de 1 991, l'embargo, et l'invasion des États-Unis et de ses alliés en 2003) a tenté de prendre en tenailles ces forces dites « rebelles ». La victoire des « rebelles » contre l'OEI à Alep en 2014 aura marqué un tournant. Au point même que, dans un tel contexte, des groupes d'Al Nosra, en sécession avec celles de l'OEI, ont rejoint les forces rebelles…
Selon Vladimir Poutine, venu en aide à son fidèle Bachar Al Assad, il s'agit d'éradiquer les « rebelles ». De la même façon que dans Grozny martyrisée, dans la Tchétchénie bombardée notamment durant la Deuxième Guerre (1999-2000), il entendait les chasser jusque dans les moindres coins et recoins…
La désintégration de l'État irakien par l'invasion américaine de 2003, la division du pouvoir selon des critères confessionnels, la marginalisation des populations sunnites, tout cela a contribué non seulement à la formation et à la croissance de l'OEI, mais aussi à la division selon des critères eux aussi confessionnels des États de la région dont les dictateurs sont en quête d'hégémonie. Avec des alliances qui à une autre époque auraient pu paraître contre nature. La thèse selon laquelle « les ennemis de mes ennemis peuvent être mes amis » combine des rapprochements aussi intéressés que léthaux. Damas, Téhéran, Moscou…
Champion de la lutte contre le terrorisme, Vladimir Poutine ? De toute évidence, il craint les déstabilisations aux marges de la Russie. Mais il défend aussi quelques appétits régionaux. Le groupe pétrolier russe Gazprom a ainsi signé mardi 13 décembre à Téhéran deux protocoles d'accord pour le développement des champs pétroliers iraniens de Cheshmekosh et Changouleh, à la frontière irakienne. « Avec la signature de ces deux protocoles d'accord, l'étude de prospection de sept champs a été confiée à des sociétés russes, soit le plus grand nombre de champs iraniens attribués à un pays étranger », a déclaré le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, à l'occasion d'une rencontre avec le ministre russe de l'Énergie Alexander Novak à Téhéran.
L'engagement de Moscou a donc lui aussi un goût de pétrole. Qui fait oublier à ses thuriféraires le coût du sang, payé par tout un peuple.
Daech en tout cas, tandis qu'après Homs, après Darraya, les forces du régime et de Moscou pilonnaient Alep, Daech donc a pu avancer tranquillement vers Palmyre. Mais pas seulement. Car le massacre des populations par le régime nourrit aussi la propagande de l'organisation terroriste. Et sa capacité de recrutement. Terrible effet boomerang aux conséquences elles aussi incalculables.
Alep aura agonisé. En direct. Nous aurons vu Alep agoniser. Et l'inaction de ce que l'on nomme « communauté internationale ».
Dans le monde entier, des appels d'ONG, d'organisations de médecins et soignants de la solidarité, d'associations de défense des droits humains, se sont multipliés pour réclamer la fin des bombardements, pour que les parties au conflit autorisent les civils, s'ils le souhaitent, à quitter la ville en toute sécurité, pour un accès humanitaire garanti et l'envoi urgent de vivres, d'eau, de médicaments…
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