
Grève générale grecque contre l’austérité
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La Grèce manifeste contre un projet de loi visant notamment à augmenter la durée de travail quotidienne jusqu'à treize heures.
Ce mardi 14 octobre, la Grèce était en grève générale pour protester contre une réforme du travail proposée par le gouvernement conservateur. Elle devrait être votée dans les prochaines heures et suscite l’ire des travailleurs. Il y a deux semaines, ils avaient déjà mis le pays à l’arrêt pour dénoncer le projet de loi visant notamment à rallonger la durée légale du travail jusqu’à treize heures par jour. Ce mardi comme le 10 octobre dernier, les slogans étaient les mêmes : « Non aux 13 heures ! », « La jeunesse dit non à la journée de travail de 13 heures » ou encore « Le temps de travail n’est pas une marchandise, ce sont nos vies ! » Bref, le projet de loi, qui compte 88 articles, fédère contre lui.
Intitulé « Un travail équitable pour tous », le texte porté par le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle Démocratie, droite conservatrice) apporte de considérables modifications dans le droit du travail en suivant deux lignes directrices. La première est une flexibilité accrue. Ainsi, les horaires peuvent être organisés de semaine en semaine ou sur une période prolongée. La seconde est la durée journalière du travail. Si la loi passe, les salariés pourront travailler jusqu’à treize heures par jour. Certes, la ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Niki Karameos, se veut rassurante. Elle répète à l’envie que les 13 heures auraient un caractère « exceptionnel » et que la disposition ne serait valable que « jusqu’à 37 jours par an » ; elle affirme également que de telles journées ne seront possibles qu’« avec l’accord du salarié et avec une rémunération majorée de 40%. » En outre, les plafonds d’heures de travail hebdomadaires (48 heures) restent en vigueur, et la loi protège explicitement les salariés contre le licenciement en cas de refus d’heures supplémentaires. Toutefois, ces dernières peuvent atteindre jusqu’à quatre heures par jour chez le même employeur.
Les deux grandes confédérations syndicales du pays, la GSEE pour les salariés du privé et l’Adedy pour ceux du public, s’inscrivent en opposition avec ce point de vue. Ainsi, le président de la GSEE, Yannis Panagopoulos, a dénoncé le texte. Pour lui, « à l’heure où la précarité écrase les revenus des ménages, en particulier ceux des travailleurs du secteur privé, nos salaires sont au plus bas et le gouvernement a trouvé la solution géniale de nous dire « Vous voulez un peu plus d’argent ? Travaillez 13 heures, travaillez avec des contrats à la demande ». » Avant d’ajouter : « ces logiques sont inacceptables pour le travail salarié ».
En réalité, en Grèce, tout le monde le sait : les prétendus garde-fous ne seront pas appliqués si la loi passe. Vania, une ingénieure civile de 29 ans, dans la manifestation explique : « Depuis que la Grèce a été en crise, de nombreux travailleurs sont obligés de cumuler deux emplois pour s’en sortir. Parfois, l’un n’est pas déclaré, et souvent, les horaires de travail déclarés sont faux. Cette loi est en quelque sorte une façon de légaliser une situation illégale. Et le travailleur qui voudrait refuser de travailler plus longtemps sera privé d’une arme pour se battre : la durée légale de travail actuelle. »
En Grèce, la durée légale du temps de travail quotidien est actuellement de 8 heures, avec la possibilité d’effectuer jusqu’à 3 heures supplémentaires. Le temps de travail hebdomadaire y est de 39,8 heures, au-dessus de la moyenne des 27 pays de l’Union européenne (35,8 heures), selon Eurostat, pour l’un des salaires les plus bas d’Europe (17 013 euros par an). Surtout, les salariés ont été les premiers ciblés par les mesures d’austérité appliquées dans ce pays entre 2010 et 2018, en échange de prêt pour éviter le défaut de paiement. Elles comportaient une hausse des taxes, une baisse des salaires et des pensions, des privatisations, mais également différentes mesures de casse des conventions collectives et d’individualisation de la relation de travail. La Commission nationale grecque des Droits de l’Homme a d’ailleurs publié un rapport éloquent sur le sujet, dans lequel elle dévoile les conséquences de la nouvelle loi. Toutes ces évolutions ont fait de la Grèce un champ d’expérimentation pour l’Europe.
Ce nouveau projet de loi s’ajoute donc à une décennie marquée par la précarisation et l’appauvrissement du monde du travail. Certes, le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis vante à qui veut l’entendre ses réussites. Il a ainsi augmenté le salaire minimum (850 euros aujourd’hui), mais cette augmentation ne suit pas l’inflation. Le chômage a baissé, mais c’est d’abord en raison d’une baisse démographique, de départs à la retraite ou encore de l’exil des jeunes. « Nos conditions de travail, elles, ne cessent de se dégrader », rebondit Thanassis Markou, un programmateur informatique. Il illustre son propos par le « système de pointage que le gouvernement dit avoir imposé aux entreprises. En vérité, il n’y en a pas ! ». Alors, pour lui, « cette législation introduira une nouvelle pression sur les travailleurs. Elle met tout en place pour que nous travaillons plus sans pouvoir refuser d’effectuer des heures supplémentaires. » Il souffle. Pour lui, c’est « un retour en arrière… On nous renvoie au Moyen-Âge ». Des temps anciens que le gouvernement, disposant de la majorité au Parlement grec, la Vouli, entend imposer en enrobant le tout dans le discours de la modernité.
Pierre Wassermann

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